vendredi 17 mai 2013

"Toutes les familles sont psychotiques" - Douglas Coupland

Vous avez aimé le film "Little Miss Sunshine", mais vous avez trouvé ça quand même un peu cul-cul ? Vous vénérez les road movie, vous adorez les sitcoms et votre maman n'est toujours pas sortie de ses obligations de mère au foyer impassible, chaste et ennuyée ? Vous êtes un adepte de Confessions intimes ? Vous militez contre les médicaments en vente libre qui risquent de faire muter une génération entière et de tuer des bébés phoques ? Et par-dessus tout, vous trouvez vraiment que vous êtes tombés sur la pire famille de l'univers ?

Douglas Coupland va devenir votre nouveau Dieu. J'avais lu ce livre en vacances, par hasard, et j'avais quinze ans. Je lisais déjà beaucoup mais j'ai eu une sorte de révélation - littéraire - divine. Tout dans ce livre est complètement dingue, et aucun chapitre ne laisse se reposer le suivant. Tous les personnages sont absolument déjantés et pleins de surprises, avec des caractères à la fois si proches et si éloignés des préjugés qu'ils en deviennent complètement attachants.

Cette famille - la famille Drummond - est une famille typique de la génération des années 60/70, américaine à souhaits et avec son lot de problèmes, et de marmaille. Une mère désenchantée qui aimerait bien vivre des aventures, un père cavaleur qui n'hésite pas à lever la main sur ses garçons et à chérir sa fille, une fille promise à un avenir brillant mais à qui il manque une main (rapport aux médicaments que prenait sa mère pendant sa grossesse), elle-même très liée à son frère aîné, un jeune homme qui enfile les bêtises comme des perles, et enfin le dernier : un garçon suicidaire et peu téméraire. Regroupés pour la première fois depuis longtemps pour le décollage organisé par la NASA auquel participe Sarah, la jeune fille, ils vont se laisser prendre dans une course infernale et absurde dans tous les Etats-Unis. Ce qui va leur donner un bon prétexte pour laver tout le linge sale en famille et d'exposer toute leur collection de malheurs, d'humiliations, et de fatalités, avec quelques rares bons moments en souvenir.

Non seulement il faut beaucoup d'imagination pour engendrer un tel livre, mais il faut aussi beaucoup de talent pour créer un suspens qui dure du début jusqu'à la fin, ainsi que des situations qui n'ont de cesse de se retourner sur elles-mêmes. Entre chaque étage de l'extrême, on retrouve aussi de la résignation, de la compassion, de la perte de contrôle, de la caricature, un humour assez noir, et surtout - surtout : on se sent plus réveillé que jamais. Et vous ajouterez à tout ça une écriture fantastique qui ne connaît aucune mollesse, et qui vous fera passer du rire au larmes sans problème, avec de la poésie et des gros mots.

Verdict : ce qui me faisait frémir à quinze ans, qui me donnait des envies d'extraordinaires, est toujorus présent après relecture, et j'irai même jusqu'à dire que ça reste un des livres les plus dingues, une des critiques les plus fortes et les plus justes sur la société, qu'il m'ait été donné de lire en dix ans. D'ailleurs, je vous conseillerai de lire ensuite Courir avec des ciseaux de Augusten Burroughs si ça n'est pas déjà fait (adapté au cinéma, pour les cinéphiles).

Extrait : "Le moteur principal de notre vie est la nécessité de détourner les traits que nous lancent les lois de la probabilité. Dès que nous en avons la possibilité, nous nous isolons des actes de haine et de desttruction entraînés par le hasard. Ca a toujours fonctionné de la même manière. Nous choisissons notre quartier, nous construisons des murs entre nos maisons, nous accueillons l'inconnu avec méfiance. Une personne sur six millions va être frappée par la foudre. Quinze personnes sur cent vont souffrir de dépression pathologique. Une femme sur seize va avoir le cancer du sein. (...) Un jours où toutes les choses qui auraient pu mal tourner ne l'ont pas fait, un jour où il n'arrive rien de mal, est un miracle. Une journée morne représente un véritable triomphe pour l'esprit humain, et l'ennui est un luxe sans précédent dans l'histoire de notre espèce."

par Mrs.Krobb

Toutes les familles sont psychotiques de Douglas Coupland
Littérature américaine (traduction par Maryvonne Ssossé)
10/18, mai 2004
8,80 euros

2 commentaires:

  1. J'avais déjà lu cette description, mais en re-jettant un oeil dessus, voire les deux, je suis encore plus séduite que la première fois. Peut-être même ne vais-je pas lire le livre mais me contenter de relire ton avis dessus. mais bon, ça serait pousser le vice un peu loin. je suis pauvre, et je vis avec deux garçons, si j'arrive pas à me faire sponsoriser ou le trouver en occaz' tu me le prêtes dis ?

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  2. Hé bien, si tu passes par Bruxelles, je veux bien faire quelque chose pour toi ;)

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