mardi 14 janvier 2014

"Peter Pan" - Loisel


Peter Pan... Ah, douceur de l'enfance, grandiose de l'imaginaire, extravagance et espièglerie, vacances éternelles, île déserte et piraterie, fière sauvagerie et jeunesse éternelle... ! De quoi faire de jolis rêves éveillés, sauf que. Que sait-on vraiment ce jeune garçon et des promesses qu'il apporte avec lui ? N'a-t-on pas trop tendance à s'attacher au mythe qu'en a fait Disney, par rapport au héros d'origine de James Matthew Barrie ? Je ne vais pas faire une analyse détaillée et comparative, mais juste vous faire (re)découvrir ce chef-d'oeuvre de Loisel, qui explique à sa manière la genèse de Peter Pan.

Peter vit à Londres dans la misère la plus totale (pauvreté, prostitution, absence de figure parentale, maladie, alcoolisme...) avec pour seuls alliés son imagination et les copains orphelins, ainsi que M. Kundal, qui le protège et lui offre des histoires en lot de consolation. Le jour où la fée Clochette arrive et l'emmène avec lui - en volant - jusqu'au Pays Imaginaire, va changer sa vie pour toujours. Là-bas, tout n'est que nature et c'est peuplé de créatures magiques, d'indiens et de pirates. Les trois camps se font la guerre, mais jamais de façon définitive : tout n'est qu'un jeu. Le problème, c'est que tout y est régi de manière désordonnée, comme si cet endroit sortait tout juste de la tête d'un enfant : il n'y a aucun ordre, aucune règle, aucune morale, il faut déplorer beaucoup de pertes et de défaites à cause de simples erreurs d'inattention, de faiblesse ou de corruption. En plus de ça, tout le monde oublie peu à peu ce qu'il fait là, ce qu'il cherche, ou après quoi il court, créant une sorte de cacophonie étrange, comme un serpent qui se mord la queue lui-même. Les pirates sont tournés au ridicule, les figures féminines sont toutes désespérément attirées par Peter Pan, de manière dangereuse, cruelle, ou sans avenir, les indiens restent incompris, et l'entourage de Peter reste toujours au point mort.

Là où Loisel excelle, c'est dans la noirceur et dans la fatalité. Car en effet, le monde réel est aussi malsain que le monde imaginaire, sauf que là d'où il vient, Peter n'a aucune chance de s'en sortir, ni d'être reconnu. Son mauvais caractère et son orgueil, il le doit à son entourage, et surtout à sa mère. La proximité des pirates sanguinaires par la suite ne l'aident pas à tenter de devenir raisonnable. Il n'y a aucun happy end pour les enfants perdus, pas plus que pour les autres. Mais au moins, dans le Pays Imaginaire, on ne se rend pas compte, on est trop occupé à "jouer".


Mis à part ça, le dessin est très bien maîtrisé, finalement assez classique même si indémodable, mais il ne s'adresse pas à un public trop jeune (contrairement au dessin-animé qui ne s'adresse qu'à de très jeunes enfants). En revanche, si la jeunesse est représentée avec beaucoup de justesse (visages joufflus, sourires édentés, couleurs vives et insouciance), ne vous y aventurez que si vous n'avez pas trop peur de déchanter. La vie peut être une drôle d'aventure, dans tous les sens du terme.

Une adaptation en court métrage a été réalisée par Nicolas Duval, mais n'ayant réussi à la trouver nulle-part, je ne peux pas vous donner plus d'informations. On sait juste que le projet d'en faire un film a été proposé... En attendant, vous pouvez faire un tour sur le mini-site consacré à la bande dessinée de Loisel ou lire une de ses interviews. Et profitez-en, ils ont réactualisé les couvertures des albums, qui sont presque identiques mais quand même beaucoup mieux maintenant.

par Mrs.Krobb

Peter Pan de Loisel (une série en six chapitres)
Bande-dessinée française
Vents d'Ouest, 1990-2004
comptez entre 13 et 15 euros pour un album

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