mardi 22 novembre 2016

"L'infinie comédie" - David Foster Wallace

Le best seller de l'auteur américain a provoqué bien des soucis aux traducteurs français, d'où sa parution tardive ici. Et ce n'est pas étonnant quand on connaît l'écriture de David Foster Wallace, qui manie la langue comme on joue au tennis, avec stratégie, subtilité, coups tordus, jeu - et amour. Pour décrire le monde qui l'entoure, il se réfugie dans l'ironie avec intelligence et brio, mais surtout une grande lucidité, forcément désabusée.

Ici, il s'attaque à un projet de grande envergure : plus de mille pages, soit un bon gros pavé dans la mare - ou dans la gueule, c'est selon. Alors, évidemment, il vaut mieux ne pas commencer par ce livre-ci si vous souhaitez découvrir son oeuvre - je vous conseille plutôt La fonction du balai, pour n'en citer qu'un.

Nous nous retrouvons projeté dans des Etats-Unis fictifs - mais proches de la réalité, nous ne sommes pas du tout dans la science-fiction - où les années ont été remplacées par des marques, où les déchets sont catapultés, où l'Indépendance du Canada est discutée, où les technologies ont tellement avancé qu'elles ont du reculer, où les oeuvres de divertissement peuvent tuer aussi insidieusement qu'une arme létale. Nous suivons plusieurs personnages aussi hétéroclites que des professionnels du cinéma, des criminels en fauteuil roulant et des haut-gradés du gouvernement, mais surtout plusieurs établissements, dont une académie de tennis pour jeunes adolescents et un refuge pour anciens toxicomanes et alcooliques. Rien ne semble les relier au premier abord, et il faudra attendre le clou du spectacle pour faire le rapprochement.

Avant tout, je dirai que c'est un livre sur l'infinie tragédie des relations sociales, sur l'enfer de l'addiction, sur la comédie burlesque de la politique, sur le grotesque du marketing. Un livre assez intellectuel, parfois très technique, puis soudainement totalement anarchique, tant dans sa façon d'être relaté (vous trouverez d'assez conséquentes "notes en bas de page" à la fin du livre, dans lesquelles parfois figurent des chapitres entiers) que dans ses rebondissements. Absolument tous les personnages ont des tares, des fardeaux, des problèmes, des troubles mentaux ou sociaux, et chacun d'eux est à la fois une énigme et un livre ouvert sur les plaies visibles ou invisibles - faute à une société malade, incapable de créer encore des liens, de communiquer, qui se sent obligée de fuir dans le divertissement, la colère, la drogue, l'exercice physique, le sexe...

Bref, préparez-vous à une expérience dense, intense, profonde, caricaturale, une de ces expériences dont vous ne savez pas si elle vous donne envie de rire ou de pleurer - mais à choisir, disons que c'est bien une grosse farce, celle de la société actuelle.

Je termine par deux extraits, pour vous donner une idée :
- extrait n°1
- extrait n°2

par Mrs.Krobb

L'Infinie Comédie de David Foster Wallace
Littérature américaine (traduction par Francis Kerline et Charles Recoursé)
L'Olivier, août 2015
27,50 euros

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