lundi 2 janvier 2017

"Ubik" - Philip K. Dick

Nous sommes dans le futur. Les objets domestiques tels que les frigos, les cafetières, les portes, etc. n'acceptent de fonctionner que moyennant menue monnaie. Vous pouvez vous faire congeler à votre mort pour rester en contact avec vos proches. La plus grande peur des gens est de se faire manipuler et espionner par d'autres personnes possédant des capacités "psi" (médiumnité, télépathie...) - mais fort heureusement, il existe une société qui propose des services anti-psi. Moyennant grasse monnaie. Runciter, le patron de cette grosse entreprise, traverse cependant des difficultés à anéantir ses adversaires, mais il semblerait que le contrat qu'on vient de lui proposer soit la clé pour résoudre ses problèmes. Il s'embarque donc sur la Lune, avec une équipe de neutraliseurs - mais fort malheureusement, cela s'avèrera fatal. A tout point de vue.
C'était peut-être la vérification assez épouvantable d'une ancienne philosophie mise au rancart, la théorie des idées chez Platon, des archétypes qui, pour chaque catégorie d'objets, sont la seule réalité. La forme réception TV avait été une identité imposée succédant à d'autres identités qui se suivaient en chaîne, comme une procession de silhouettes dans une photo montrant la décomposition du mouvement. Les formes premières, songea-t-il, doivent continuer une vie invisible et résiduelle à l'intérieur de chaque objet. Le passé est latent, il est submergé mais toujours là, capable de remonter à la surface si les identifications ultérieures, par malheur et contrairement à l'expérience naturelle, disparaissent. L'homme contient, non pas l'enfant, mais tous les autres hommes antérieurs, pensa-t-il. L'histoire a commencé il y a bien longtemps. 
Un des meilleurs, si ce n'est le plus grand roman de Philip K. Dick : son chef d'oeuvre incontestable. Quoique, j'en jugerai définitivement une fois que je les aurais tous lus. Je pensais en avoir tellement appris sur ce livre avant même de le lire qu'il en aurait perdu de son mystère, et pourtant il a réussi à me surprendre et à me bousculer jusqu'aux tréfonds. L'histoire est très bien ficelée, vraiment très prenante et se termine de façon totalement dickienne - à savoir que la fin n'est jamais qu'une mise en abyme de fins possibles, ou un retour au début, formant un Ouroboros infernal. On se retrouve dans un contexte cauchemardesque qui est très proche de celui du Dieu venu du Centaure ou encore de Au bout du labyrinthe. Une perception de la réalité subjective comme on en retrouve plein dans l'Oeil dans le ciel. Une entropie très proche de celle de A rebrousse-temps et un glissement de temps qui rappelle Le temps désarticulé. Pour finir, une dualité universelle de la même veine que celle des Pantins cosmiques.

Je suis Ubik.
Avant que l'univers soit, je suis.
J'ai fait les soleils.
J'ai fait les mondes.
J'ai créé les êtres vivants et les lieux qu'ils habitent ;
je les y ai transportés, je les y ai placés.
Ils vont où je veux, ils font ce que je dis.
Je suis le mot et mon nom n'est jamais prononcé, le nom qui n'est connu de personne.
Je suis appelé Ubik, mais ce n'est pas mon nom.
Je suis.
Je serai toujours.  

Dès le début, avec l'arrivée de la jeune Pat aux pouvoirs paranormaux, l'auteur nous fait glisser dans un cauchemar de réalités parallèles et nous fait entrevoir ce qui arrivera par la suite dans tout le roman. Avec une main de maître, il génère le chaos absolu où rien n'est vrai, tout est permis. Seuls se démarqueront quelques messages subliminaux vous permettant - peut-être - de vous raccrocher à la réalité. Mais laquelle ?

Sautez dans l'urinoir pour y chercher de l'or.
Je suis vivant et vous êtes morts.

Dans ce livre, Philip K. Dick a très bien su gérer l'environnement, les personnages, l'action et l'intrigue, avec une écriture plus développée et des passages vraiment drôles ou horrifiques. Le rythme est très bien soutenu et le point de mire arrive très vite, sans que l'histoire ne s'essouffle jamais : une course contre la montre, contre la mort, contre la raison, contre l'entropie, contre une entité toute-puissante dont on ne sait jamais trop si elle est divine ou démoniaque jusqu'à la fin.

Découvrez la nouvelle sauce salade Ubik, un délice pour le palais.
Ni italienne ni française : une saveur entièrement inédite et différente.
Comme les gourmets du monde entier, sorte de votre routine en essayant Ubik !
Sans danger si l'on se conforme au mode d'emploi. 


par Mrs.Krobb

Ubik de Philip K. Dick
Littérature américaine (traduction par Alain Dorémieux)
10/18, novembre 1999 (original : 1966)
7,10 euros

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