lundi 10 avril 2017

"Cosmos" - Michel Onfray

Je ne savais pas à quoi m'attendre réellement en achetant ce livre, puisque je n'avais jamais rien lu de Michel Onfray. C'est son titre, Cosmos, qui m'a attiré aussi farouchement qu'un aimant, et sa couverture au soleil splendide, oeuvre de Nancy Holt (Sun Tunnels) qui m'a fait de l'oeil en cette époque de retour au printemps.
Sans le savoir, il m’apprenait ainsi, non par des leçons ostentatoires, mais par l’exemple, que le temps dans lequel il vivant était celui de Virgile : le temps du travail et le temps du repos. Insensible aux temps de la mode, temps modernes et temps pressés, temps de l’urgence et temps de la précipitation, temps de la vitesse et temps de l’impatience, tous temps des choses mal faites, mon père vivait un temps contemporain des Bucoliques, temps des travaux des champs et des abeilles, temps des saisons et des animaux, temps des semailles et des récoltes, temps de la naissance et temps de la mort, temps des enfants bien présents et temps des ancêtres disparus. 
Ce livre se veut donc un début d'encyclopédie relative et non exhaustive, loin s'en faut, du cosmos mais surtout et principalement du monde humain. Tâche ardue, forcément, et même en regroupant autant d'informations, il est difficile de parler à tous - et de tout. Tout d'abord sera abordé en introduction le rapport qu'il a eu avec son père, une introduction assez touchante qui aurait servi à elle seule de leçon sur le monde. En première partie, l'auteur décortique le Temps, à travers les bulles du champagne, le rythme des tziganes et celui des enfants, les cycles de la nature et le temps créé par l'Homme. En seconde position, la force de la vie, à travers le végétal, l'animal, la prédation, les techniques de fumier de Rudolf Steiner (qu'il décrie, bien entendu). En troisième lieu, le rapport à l'animal, la position inférieure, puis égale, puis supérieure à l'Homme, le spécisme et l'antispécisme, le point de vue religieux. Ensuite vient le Cosmos, une partie axée sur la religion, la spiritualité, le paganisme ancien, l'oubli des origines et la transcendance. Et pour fini, l'expérience de la vastitude avec le sublime nous fait découvrir la culture, l'art, pour enfin revenir à la nature.
 Tout ce qui remplit l’existence, la vie, l’amour, la mort, ce qui occupe les hommes, l’ambition, la domination, les honneurs, ce qui les déçoit, la trahison, l’infidélité, le parjure, ce qui les conduit, le sexe, l’argent, le pouvoir, ce qui les salit, le mensonge, la tromperie, l’hypocrisie, tout cela est chanté, crié, susurré, murmuré, dit, hurlé, chuchoté, comme si le spectacle et la théâtralisait de ce que nous sommes si souvent nous permettait, une fois représenté sur scène et donné dans les limites du théâtre, de nous purifier d’être ce que nous sommes.
Voilà pour l'exposé global de ce que contient ce pavé de lecture. Comme on peut s'en douter, beaucoup de philosophie, mais un côté surtout très terre à terre, rationaliste parfois à l'extrême, défenseur de la nature et des animaux sans toutefois prôner un retour à l'état totalement sauvage des origines. L'Homme se trouve remis à sa place - toute petite place - et souvent plutôt récrié.
Le sublime surgit dans la résolution d’une tension entre l’individu et le cosmos. La petitesse du sujet qui contemple la nature grandiose génère un sentiment : celui du sublime. 
Pour être tout à fait honnête, j'ai été déçue à la lecture du livre, même si je ne savais pas trop où je mettais les pieds. Là où j'attendais de l'élévation, du splendide, j'ai trouvé que la plupart du temps, il s'agissait surtout de dénoncer, rabrouer, rabaisser ou dénigrer. Se remettre à sa place, oui, mais pourquoi ne pas parler de ce que l'on trouve beau, sensé, juste, merveilleux, plutôt que - la plupart du temps - parler de ce que l'on trouve faux, contestable, impitoyable, inadéquat et sans intérêt ? Beaucoup de passages plutôt durs et cruels, un rappel sûrement nécessaire pour montrer tout le mal qui a été fait à la planète qui nous porte et à l'environnement (quel qu'il soit).
Spinoza écrivait fort justement que les hommes se croient libres parce qu’ils ignorent les causes qui les déterminent. En effet. Cette vérité qui contraint à la modestie n’est pas à l’ordre du jour à l’heure où les hommes témoignent d’une inconscience aussi grande que leur arrogance, d’un aveuglement aussi puissant que leur vanité, d’une cécité aussi étendue que leurs prétentions.
On retrouve un peu de l'approche de Jean-Marie Pelt en ce qui concerne l'amour pour la Terre et le Cosmos, pour ce qui est de mes propres références, et ce sont ces aspects-là que j'ai le plus aimé. Renouer avec la nature, comprendre son fonctionnement, ses cycles, son incroyable pouvoir d'adaptation, de communication, d'entraide, de construction. S'éloigner des ténèbres crées par l'Homme pour se rapprocher du Soleil et des étoiles.
Découvrir ainsi l’immensité du temps et la petitesse de nos vies, c’est apprendre le sublime, le découvrir, y tendre et vouloir y prendre place. Simplement, mon père m’offrait ainsi un exercice spirituel de première qualité pour trouver ma juste place dans le cosmos, le monde, la nature, et donc aussi parmi les hommes. Monter au ciel, selon l’expression consacrée par le catéchisme, pouvait donc aussi s’entende de façon païenne, immanente, pour le dire dans un mot qui convient parfaitement : philosophique. Le ciel étoilé offre une leçon de sagesse à qui sait le regarder : s’y perdre, c’est se trouver.

D'autres extraits ici, ici, ici, ici et ici.
par Mrs.Krobb

Cosmos de Michel Onfray
Essai français
J'ai Lu, août 2016
9,50 euros

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