mardi 19 septembre 2017

"Dark Net" - Benjamin Percy

Encore vierge de cette maison d'édition que je ne connaissais pas trop mais qui compte quand même dans son catalogue un livre de Chuck Palahniuk et un autre de Jim Dodge, je me devais de jeter un coup d'oeil - voire de me jeter dedans allègrement.

Donc voilà, je me plonge dans l'Univers du Dark Net, en même temps que beaucoup de personnages du roman - pour eux, ce sera dans des conditions beaucoup plus hostiles et radicales. Tout commence avec un immeuble, le Rue, célèbre pour ses meurtres étranges sur plusieurs générations, perpétrés de façon soudaine et horriblement sale, avec pour signature une main rouge. Racheté par une société mystérieuse répondant au nom d'Undertown Inc., il dévoile une série d'ossements lugubres et gravés de symboles. Lorsque Lela, journaliste acharnée, emporte avec elle l'un des cranes, une course vers l'horreur commence.
Toutes les mères expliquent à leurs enfants qui ont peur du noir qu'une pièce reste la même, que la lumière soit allumée ou éteinte. La seule chose qui change, c'est la capacité de voir. Mais ces mères mentent. Tout le monde sait que de mauvaises choses arrivent dans les ténèbres. Et maintenant, les ténèbres sont là.
Mélange original entre les anciennes technologies magiques et rituelles et les nouvelles technologies virtuelles et parfois criminelles, qui revisite en même temps les mythes du combat entre les fils de la Lumière et des fils des Ténèbres, le roman tente de lever le voile sur des univers ésotériques ou cyber-cryptés, de façon relativement superficielle mais assez efficace pour faire naître un enjeu nouveau, une union du passé et du futur en une vision apocalyptique sanglante et mortelle.
Le bien ne ressemble pas toujours à ce que l'on s'imagine. Parfois, il dit des gros mots, porte un blouson de cuir et des bottes de moto, et fume comme un pompier. Parfois il lui arrive en plus de dealer un peu à droite à gauche. Parfois, il tue.
Pour vous donner un peu la température de l'ambiance, disons qu'on se situe plus ou moins au même niveau que le Livre de la mort. Et pour vous faire une idée, disons que les personnages qui se situent du côté des gentils vous feraient normalement un peu bégayer mais ce n'est rien par rapport à ceux qui sont les méchants et qui vous feront littéralement vomir des espèces de tumeurs des marécages. Au temps pour la vision biblique, mais bon, la Bête est réveillée, fini de rigoler.
On en a tous rencontré. Ceux qui disent entendre des voix ou voir des choses que personne d'autre ne voit, qui suivent leurs intuitions ou souffrent de rêves prégnants. Ils brûleront de la sauge, et vous parleront de votre aura, et raconteront qu'un fantôme est venu leur rendre visite pendant la nuit. Quel que soit le nom qu'on leur donne - siphonnés, hypersensibles, prescients, spéciaux -, ils sont branchés sur une fréquence plus élevée que le reste de la population. Les chiens ont un odorat dix mille fois plus puissant que celui des hommes. Il y a des insectes capables de percevoir les radiations, et certains oiseaux capables de voir la température. Comme eux, les personnes spéciales ont une sensibilité accrue.
Le grand mot clé du livre, c'est : connecté. Que ce soit grâce à un sentiment religieux, à une appartenance magique, à Internet, ou aux nouvelles technologies qui permettent de redonner la vue aux aveugles. Cette même connexion qui peut vous permettre de vous regrouper ou de vous persécuter, c'est celle-là même qui finira ici par vous tuer - à moins que vous n'ayez eu la bienséance d'éviter toute forme de contact et de répudier le progrès informatique.
Elle ne peut pas fabriquer des couleurs à partir de formes, ou des formes à partir des distances, ou des distances à partir des textures, parce que chaque donnée fait crépiter un instant son cerveau, ce qui lui donne envie de hurler : « Ça ne marche pas, ça ne marche pas ! » C'est comme si quelqu'un lui brandissait une banane sous le nez et un requin devant la figure, lui mettait du jazz dans les oreilles et un balai dans la main, et lui disait : « Quel beau coucher de soleil ! »
« Je ne sais pas, dit-elle. Je ne sais pas ce qu'est la réalité. »
J'ai plutôt apprécié ce fourre-tout éclectique et électrisant, à la fois mythologique, magique, connecté et pourtant presque bienveillant (ok j'exagère peut-être un peu là). C'est Halloween avant l'heure et c'est réussi, si vous aimez les héros atypiques et les créatures qui sentent le soufre, ou encore que vous en voulez à l'espèce humaine. En tout cas, je vous conseille de mettre à jour vos antivirus dès aujourd'hui.

par Mrs.Krobb

Dark Net de Benjamin Percy
Littérature américaine (traduction par Paul Simon Bouffartigue)
Super 8, septembre 2017
21 euros

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