dimanche 29 septembre 2013

"Joueur_1" - Douglas Coupland

Douglas Coupland a un réel génie pour mettre en scène dans ses livres des personnages très typés, qu'ils soient des clichés ambulants ou des caricatures extrêmes de la population états-unienne, des fous improbables ou des condamnés à mort contemplant les prémices de l'apocalypse, parfois dans un calme olympien, parfois en pétant les plombs puissance mille. Si vous n'avez pas déjà lu Toutes les familles sont psychotiques, son roman le plus connu, je vous conseille de vous jeter dessus si vous êtes un adepte des situations cocasses et totalement incongrues, qui reflètent pourtant avec merveille l'état de notre société actuelle - du moins dans les pays fortement développés où les gens sont beaucoup trop souvent aveuglés par le capitalisme, le matérialisme, l'individualisme et la religion.

Plantons le décor : Un bar d'aéroport, en Amérique - un endroit parfait de transition géographique ou métaphorique. Quatre individus : Karen, divorcée, mère d'une adolescente en pleine phase gothique, cherchant l'amour à travers le cyber monde ; Rick, ancien paysagiste devenu barman, solitaire, en total manque de confiance en soi, ne jurant plus que par Leslie Freemont, gourou du bonheur ; Luke, pasteur reconverti en épave, éternel célibataire, qui déteste son père et a volé tout l'argent de son ancienne paroisse ; et Rachel, atteinte d'autisme, laborantine à ses heures perdues, dont les parents aimeraient qu'elle soit plus "humaine", ce qui l'amène à vouloir trouver un homme pour l'enfanter. Et le narrateur omniscient, l'avatar de Rachel, qui possède lui un parfait contrôle sur tout, qui vient nuancer les propos de ces autres personnages "réels".

La situation : Enorme chaos lorsqu'on apprend que le prix du baril de pétrole a atteint les 350$. Dérèglement total, fermeture de l'aéroport, incendies dans les stations services, explosions rudement chimiques, des hommes qui se baladent armés et tirent sur tout ce qui bougent. Séquestration de nos personnages dans le bar de l'aéroport. Conversations sur ce qu'est le monde, sur la condition de l'être humain, sur les banalités de la vie.

L'histoire est séquencée par petits chapitres centrés à chaque fois sur un seul des protagonistes en particulier, regroupés en grosses parties à chaque évènement clé de l'avancement de la situation. Un mot clé ? Désespoir. Comme dans ses autres romans, Douglas Coupland se délecte de nous démontrer à quel point nous sommes menés par le bout du nez par les médias - surtout ce géant Internet, à quel point nous sommes devenus des gens individualistes, pensant que tout nous est acquis, à quel point l'amour peut être une chose absurde mais souvent salvatrice, à quel point nous sommes seuls au milieu de ces milliards d'autres êtres humains. Il s'installe en philosophe et en sociologue du XXIe siècle, encore une fois avec beaucoup d'humour, de réflexion pas trop alambiquée, et nous livre à la fin un petit glossaire de phénomènes ou de théories acquis principalement dans cette nouvelle société décidément très absurde - même si techniquement bien avancée.

par Mrs.Krobb

Joueur_1
de Douglas Coupland
Littérature américaine (traduction par Rachel Martinez)
J'ai lu, janvier 2013
7,41 euros

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