mercredi 27 janvier 2016

"Les voies du bonheur" - Jean-Marie Pelt

La crise, selon son étymologie romaine, est synonyme d'opportunité. En effet, la crise est normalement un état passager, qui signifie que le temps est venu d'opérer des changements, parfois radicaux, afin de poser des solutions à une situation problématique. La crise, telle qu'elle a commencé en 2008, n'a pas l'air sur le point de se terminer. Peut-on toujours la considérer comme telle, ou devrions-nous plutôt y voir un état permanent et exponentiel de dégradation humaine, écologique, économique ?
Produire toujours plus de biens et de services et consommer toujours davantage afin de pouvoir par rétroaction produire plus et, par là, soutenir l’emploi. Et si les besoins élémentaires sont satisfaits pour une part significative des populations des pays du Nord, (…) il faut et il suffit de créer sans cesse de nouveaux besoins pour soutenir l’activité économique.

Il semble que depuis l'avènement de l'ère industrielle, le monde a plus radicalement changé qu'il ne l'a fait en mille ans auparavant. Premièrement, par son rapport à l'environnement - là où chacun vivait dans un semblant d'autonomie et où chaque espace était délimité à échelle humaine, là où chacun connaissait la terre, savait se contenter de peu et avait des possessions qu'il gardait à vie (et même les laissait disponibles aux générations futures), nous sommes désormais pris de vitesse, de vertige et de folie des grandeurs. Deuxièmement, la qualité des relations à l'humain et à l'environnement a baissé en même temps que les villes ont succédé aux grands espaces, que la communication a connu un énorme développement de potentiel et de moyens mais une baisse réelle de sa qualité. L'être humain, dans son désir d'avoir plus, de faire toujours plus, plus vite, d'exploiter son terrain jusqu'à en tirer la dernière trace de fécondité, se pense et agit comme une divinité machiavélique assoiffée de pouvoir.
Depuis la Renaissance, en Occident, une pensée pernicieuse a fini par s’imposer. Si l’homme peut tout prendre à la nature, il ne lui doit rien en retour. 
L'auteur s’appuie sur des extraits de la Bible pour démontrer que si nous ne faisons rien dans les temps à venir, nous risquons un épisode semblable au déluge - à savoir que la Nature se régénérera d’elle-même en sauvant ce qui doit et peut l’être et en faisant fi de ce qui doit être dégagé - à savoir, l’espèce humaine qui la détruit. Il fait également des parallèles avec d’autres religions et formes de spiritualité, en passant par Hildegarde de Bingen, qui prônent l’amour de la nature et parfois la punition divine pour l’homme qui n’agit pas selon les préceptes de la conscience et de la compassion. Par là aussi, il montre que c’est notre rythme effréné et notre course à la productivité qui nous détruit, car nous ne respectons plus l’horloge naturelle.
La nature, jadis lieu de contemplation et d’admiration face à la beauté de la Création et du Créateur, est désormais perçue comme un matériau inerte à exploiter, un réservoir que l’on vide de ses ressources et un dépotoir que l’on remplit de nos déchets.
Ecologiste, biologiste, botaniste, Jean-Marie Pelt était un fervent défenseur de la Nature, à laquelle il a dédié bon nombre de ses ouvrages, et prônait un retour à la sagesse ancestrale. Même si l’on n’adhère pas spécialement à l’aspect spirituel et religieux qui découle fortement de ses textes (dans ce cas on préférera sans doute se tourner vers la sobriété heureuse tant chérie par Pierre Rabhi), on pourra reconnaître que ses grandes connaissances en la matière et ses références en font probablement un leader dans son domaine.

Bonus (extrait) : Discours du chef Seathl s’adressant en 1854 au grand chef de Washington



par Mrs.Krobb

Les voies du bonheur de Jean-Marie Pelt
Essai français
Fayard, novembre 2015
18 euros

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