lundi 8 février 2016

"Sensorium" - Abha Dawesar

Une artiste indienne trentenaire s’interroge sur l’apparente contradiction entre pensée analytique et croyance. Ayant vécu la moitié de sa vie en Inde et l’autre moitié à New-York, elle a été confrontée à deux modes de vie radicalement opposés, et elle-même se sent plus l’âme occidentale qu’orientale. Les croyances de son pays, si nombreuses soient-elles, lui échappent en grande partie. Qui sont ces dieux, pourquoi les hommes les font-ils paraître aussi corrompus qu’eux, quel est leur réel pouvoir ? Elle préfère disséquer la nature avec un oeil scientifique, trouvant plus rassurant l’idée d’avoir un point de vue purement objectif sur le monde qui l’entoure. Pourtant, travaillant dans le monde de l’art, elle s’y entend bien en terme d’abstraction et de concept. Après avoir été consulter un lecteur d’empreinte digitale qui lui a prédit son avenir à partir de sa vie antérieure, par curiosité mais aussi résidu de croyance, elle se sent tiraillée entre l’envie de purger son karma et son hémisphère gauche qui lui hurle que tout ceci n’est qu’imposture.


Il semble à tout point de vue que ce soit une autobiographie, il ne faudra donc pas trop y chercher du romanesque et de l’extraordinaire, et plutôt lire ce livre comme un témoignage. Les autres personnages (réels ?) qui apparaissent de temps en temps ne sont que peu développés et on a du mal à s’y attacher - au contraire des animaux de laboratoire et de Ganesh, qui sont le vrai fil rouge de toute l’histoire. Et j’ai eu aussi du mal à m’intéresser vraiment à l’aspect artistique décrit ici, il m’a semblé froid, dénué de charme et de créativité, si ce n’est à la toute fin du livre - peut-être est-ce voulu aussi, comme un effet de style visant à renforcer le passage à vide que traverse la protagoniste.

J’ai trouvé la deuxième partie du roman beaucoup plus intéressante que la première, qui m’a semblé très longuette et plate. Une lecture partagée, mitigée, à l’instar du roman qui se découpe très souvent en deux parties : cerveau gauche et cerveau droit, réflexion et interrogation, affirmation et doute, science et croyance, art et maladie, éléphant et souris… Le texte est donc entrecoupé de pages de réflexions subites, qui se veut à l’image du cerveau humain qui déconnecte de temps en temps de l’action linéaire pour se mettre à penser à outrance, en faisant des analogies subtiles et parfois déroutantes. Ce qui est un effet voulu en découragera peut-être certains, puisqu’on aura de temps en temps l’impression de devoir suivre deux histoires en même temps. Ceci dit, le propos est bien assimilé, et la forme sert au fond. A lire, donc, si on se sent dans la même situation.

par Mrs.Krobb

Sensorium de Abha Dawesar
Littérature américaine (traduction par Laurence Videloup)
10/18, juillet 2015
8,40 euros

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