Dans un récit à sa fille qui vient de naître, des mots lancés sur le qui-vive, à même la chambre d'hôpital, Maria Pourchet retrace les générations de femmes qui sont venues avant elle, mais surtout son lien avec sa propre mère. Comme toutes celles qui viennent d'accoucher, Maria est à bout, de corps, de souffle, de fatigue et de soudaine solitude, et c'est dans cet état d'esprit que ses mots se délient, pour défaire les nœuds, pour se détacher du cercle vicieux qui veut que les femmes jalousent les filles, que les femmes détestent leurs mères, pour rompre le cycle de la distance affective imposée âge après âge dans sa famille - et bien d'autres.
Je ne doute pas une seconde que toutes, absolument toutes les phrases en italique prononcées par ma mère, lui aient été adressées par la sienne, à qui la sienne parlait ainsi. Elle non plus n'a rien inventé. Je ne dis pas qu'elle se venge, je ne dis pas qu'elle y croit. Je dis qu'elle répète, dans l'impossible conscience de la destruction qu'elle engendre, la répétition. Il n'est pas question d'amour mais de machines.L'autrice raconte son accouchement, revient sur son enfance, son adolescence, sa découverte d'être une femme, son oppression dans le domaine familial, professionnel, les amours qui passent en un éclair et puis qui obsèdent. Mais surtout, en filigrane : les hommes qui valent plus que les femmes parce qu'ils rapportent l'argent, les femmes soumises depuis la nuit des temps, qui n'ont comme force et comme indépendance que les mots, à qui les hommes ont appris à détester leur statut de femme, ce genre faible qui doit se soumettre aux ordres, aux mots, et les femmes qui apprennent, donc, à détester les femmes.
Je savais déjà qu'on renaissait. Que pour les femmes il s'agissait surtout de renaître. Que c'était ça l'éternité, pas plus. À terre, rouée par quelque chose ou quelqu'un, et debout, à nouveau. Parce que la mort est une habitude pour nous.Il y a quelque chose de vraiment très personnel, très intime, à fleur de peau, à fleur de sang, à fleur de larmes. Entre la rage et la haine et l'aveu final que tout ça n'est pas la faute des femmes qui ne savent pas aimer mais de ceux qui leur ont enlevé l'amour. Maria Pourchet tente d'enlever l'énorme et incommensurable épine du pied de la lignée familiale pour ne pas reproduire les schémas, et pour elle qui semble ne pas savoir donner ni recevoir d'amour, c'est un nouveau départ, qui commence par sa fille.
Je te serre contre moi pour la première fois.Pour finir, c'est aussi, en premier lieu, peut-être, un récit d'accouchement, dans les conditions réelles des hôpitaux surpeuplés, avec trop peu de personnel, personnel qui est fatigué, blasé, tiraillé, donc peu présent ou peu préoccupé, personnel qui déshumanise parfois, qui juge beaucoup. Encore une fois, à qui la faute ? Aux femmes ? À la société ? Au patriarcat ? Bref, un récit très personnel mais qui parlera, sûrement, à beaucoup d'entre vous. Si vous êtes en froid avec votre mère, c'est le cadeau idéal.
- Ne la serrez pas trop fort.
Quoi ? C'est marqué sur ma gueule que chez nous les femmes étouffent les filles ?
Bonus : extraits 1, 2, 3, 4
par Mrs.Krobb
Toutes les femmes sauf une de Maria Pourchet
Littérature française
Pauvert, septembre 2018
15 euros
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