Extraits de textes de Françoise d'Eaubonne

(1)

NOUS, FEMMES DU MOUVEMENT ÉCOLOGIE- FÉMINISME RÉVOLUTIONNAIRE, nous déclarons :
a) Notre résolution de prendre en main, avec le contrôle de notre destin, celui de la démographie, en solidarité avec nos sœurs du Tiers-Monde, et notre volonté de traquer et combattre à tous les niveaux le système patriarcal universel qui cimente par notre oppression TOUTES LES AUTRES ;
b) Notre résolution particulière de combattre par tous les moyens l’instauration insensée de l’industrie nucléaire de fission destinée non à remplacer certaines sources d’énergie mais à alimenter la guerre et le profit et exigeant une société policière ;
c) Notre DÉCISION (à titre de premier avertisse­ ment) de proclamer et organiser une grève de la maternité d’UN AN MINIMUM dans les pays d’économie développée, pour la grande majorité de nos signataires qui sont en capacité de procréer, et d’encourager les femmes des autres pays à nous imiter afin de manifester leur pouvoir, indispensable pour la continuation de l’espèce et de l’Histoire, qu’aucune loi ne peut leur retirer.
NOUS EXIGEONS : L’arrêt du pillage des biens de la VIE dont nous sommes les détentrices ; le stoppage de l’inflation démographique qui recoupe si bien le mépris de notre condition, de notre volonté, de notre dignité ; la limitation du « travail » producteur d’inutilités et de 96 pollution; le reboisement maximal effectué grâce aux masses de travail ainsi dégagées ; la destruction ou l’arrêt des criminelles Centrales Nucléaires remplacées par les «énergies douces» qui décentraliseront les sources de production et donc le Pouvoir ; la fin définitive de toute industrie de guerre, et surtout L’ABOLITION TOTALE ET IRRÉVERSIBLE DU SEXISME ET DU PATRIARCAT

Appel des femmes à la grève de la procréation, Mouvement Écologie-féminisme, 1974



(2)

Point n’est besoin d’appartenir au professorat américain comme les deux novateurs cités par L’anti-économique pour pouvoir déjà désigner les secteurs d’activité qui semblent indispensables par la force de l’habitude et qui pourraient facilement disparaître sans retour, premier lest à jeter avant le naufrage.

Nommons-les :
— les secteurs administratifs, fiscalité, banque, législation du travail n’auraient aucune raison d’être dans ce que le groupe d’études «Diogène» définit comme «une société non technicienne basée sur des unités de petite dimension refusant la centralisation», un peu à l’instar des anciens soviets et des premières communes après la révolution maoïste (organismes évidemment voués à disparaître dans ces deux systèmes de concentration bureaucratique).
— les moyens de transport rapides et fortement polluants (kérosène des avions, nuisances sonores) pourront à leur tour être réduits à l’extrême minimum, lorsque les raisons de les utiliser réapparaîtront pour ce qu’elles devraient être : très rares. Nous avons cité ailleurs à ce sujet (Le féminisme ou la mort) l’intéressante contribution de Marion Zimmer, seule femme parmi les auteurs d’un recueil de SF sur le thème «Société de demain», qui formula cette proposition « utopique » : les moyens de communication ultrarapides ne seraient plus utilisés qu’en cas d’urgence comme : soins à donner à un accidenté, lutte contre un fléau. Le reste du temps, son monde «d’utopie» avait trouvé le temps de vivre et circule à cheval ou à bicyclette, grade au ralentissement maximal d’une productivité débarrassée de l’inutile.
– les zones de production non indispensables (voire franchement superflues ou pernicieuses), précisément, peuvent également être abolies. Il ne s’agit pas d’austérité, mais de disparition d’un faux luxe : objets inutiles, gadgets sans autre but que de produire pour produire, «ramasse-miettes électrique» ou «biniou électronique» ou «télévision du rôti pour ne pas avoir à ouvrir le four », etc. Ce genre de mystification mercantile ne peut pas être désiré et ne comble aucune attente : il se multiplie pourtant comme une obsession évolutive envahit l’intoxiqué; cet intoxiqué, c’est le système marchand contemporain.

L’élévation de la qualité du quotidien se ferait dans plusieurs directions possibles :
a) diminution du temps de travail consacré à fabriquer et distribuer (fausse productivité) et vanter (publicité) ces ignominies ;
b) disparition de la crétinisation publique qui en résulte ;
c) réduction notable de la pollution, particulièrement des déchets inrecyclables de matériaux comme le plastique ; 112
d) suppression du facteur d’obsolescence, ce qui s’étendra à l’exigence de la qualité et de la solidité des produits courants, très facilement obtenues par le véritable rendement technologique, impossible en système de profit.

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