Commentaire de Manuel Candré

Mille mercis, Mrs.Krobb pour votre bienveillante critique. 

Un mot toutefois pour revenir sur votre commentaire concernant le fait que "l'ensemble contribue encore à isoler et dramatiser les personnes malades mentales" :

La toute première ébauche de ce roman devait évoquer uniquement le mouvement des entendeurs de voix, mouvement d'origine anglo-saxonne qui replace les entendeurs dans la singularité de leur expérience en les arrachant précisément aux étiquettes d'ordinaire attachées à la maladie mentale (la schizophrénie en particulier, qui ne concerne réellement que 7 à 8 % des entendeurs, crois-je me rappeler). 

Mais, répugnant finalement à écrire un récit essentiellement monothématique, j'ai choisi de coupler cet univers à celui des fantômes pour me diriger progressivement vers une double lecture s'agissant de la déréalisation des deux figures du livre - le fantôme et l'aliéné -, toutes deux prises de manière conjointe dans ce processus implacable. 
L'intention n'a donc jamais été de stigmatiser davantage, en les enfermant dans certaines représentations, les "malades mentaux", mais au contraire d'aborder l'expérience des voix selon plusieurs autres angles : l'expérience singulière qu'elle est, ce dont témoigne la partie sur le club des Entendeurs de voix, et le fait central que "être au monde, c'est être possédé". 
L'aliénation/possession n'est donc pas le fait d'une dysfonction mentale, mais la qualité première de l'existence. A cela j'ajoute cette hypothèse que les manifestations dysfonctionnelles de type crise de folie, envoûtement, possession, transe, etc., ne sont que l'exagération quantitative du mode premier d'être au monde. C'est précisément à travers ces figures qu'il nous est donné de voir la manière dont le réel s'empare de nous.
La conclusion sur le fait que les voix qui agressent le personnage sont le délire du monde passant à travers lui, fait notamment référence à la lecture qu'ont fait G. Deleuze et F. Guattari du cas Schreber (Mémoires d'un névropathe, Daniel-Paul Schreber), en opposition à la lecture qu'en avait fait S. Freud dans "Le cas Schreber". J'ai d'ailleurs fait de Schreber un des personnages de cette macabre sarabande sous le nom de Schraber.

Voilà pour ces quelques explications que vous n'aurez pas trouvées, je l'espère, trop obscures.


Très respectueusement,
Manuel Candré Auteur

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