samedi 9 janvier 2016

"A quoi sert l'homme ?" - Dominique Lestel

La question de l'utilité de l'homme évolue selon les cultures, mais on peut globalement en tirer ces réponses : l'homme se considère comme une fin en soi, comme l'apothéose de l'évolution terrestre - le séparant par là-même de la nature et du monde animal duquel il fait partie. Cette séparation s'est avérée fortement destructrice, puisque l'homme a fini par considérer que son environnement est là pour le servir plus que pour créer une harmonie où chaque chose a une utilité pour plus petit et pour plus grand et que chaque chose a sa place, qui lui revient de droit après des millions d'années d'évolution progressive et d'adaptation. Et cette coupure s'est produite il y a très longtemps, à partir du moment où l'homme a cessé de s'adapter à son environnement pour l'adapter à lui-même à sa guise - donc à la naissance de l'agriculture et de l'élevage, de la sédentarisation.

Les philosophes ont de tout temps tenté de répondre à cette question, en essayant de remettre chaque chose à sa place - la nature, l'animal, l'homme et les dieux potentiels. Mais le courant de philosophie occidentale est celui qui a le plus nui à l'humanité, reléguant par exemple toute pensée animiste, ou plaçant l'homme à côté de l'animal et du végétal, au rang le plus bas de la pensée.

L'urbanisation a également joué un grand rôle dans la suprématie de l'homme sur son environnement, à un point tel qu'aujourd'hui, pour beaucoup de ceux qui ont grandi dans les villes, ce qui est naturel passe pour moins "réel" que ce qui l'imite. On commence donc à avoir plus d'empathie pour des machines que pour la nature, pour l'image qu'on se fait de cette nature devenue absente, qui a été depuis longtemps contrôlée, surveillée, adaptée. Ce que démontre l'auteur, c'est que l'écologie d'aujourd'hui reste encore très égoïste puisqu'il s'agit d'une écologie envers une nature domestiquée par l'homme et non une nature sauvage telle qu'elle a eu ses droits bien avant nous.

Mais ce qui a réellement mis un point final à l'avenir de l'humanité, c'est le post-humanisme et l'avènement de la machine. A force de vouloir toujours améliorer les performances de l'homme et sa productivité, on a fait un pied-de-nez à l'évolution naturelle pour la remplacer par l'évolution technologique qui a fini par avoir emprise sur tout. Si l'homme ne sert à rien, les machines le servent bien et mieux que lui-même, avec le potentiel de le remplacer un jour prochain, en gardant les qualités de ce dernier et en supprimant ses défauts.

De Nietzsche à Descartes, en passant par Philip K. Dick et les tamagochis, c'est une réflexion assez complète et référencée, ponctuée de conversations avec un penseur oriental plutôt sarcastique, qui ferait un peu penser à la caverne de Platon. Ici, ce n'est pas tant la morale qui compte mais plus l'impact sur l'environnement et la spiritualité. Ce livre est accessible à tous et se révèlera probablement sans surprise pour ceux qui sont déjà un peu révoltés par le devenir de l'humanité, mais précieux pour comprendre le déroulement de ce mode de pensée occidentale qui place l'homme au-dessus de tout, sans lui donner pour autant une réelle utilité autre qu'être une machine à produire du déchet.

par Mrs.Krobb

A quoi sert l'homme ? de Dominique Lestel
Essai français
Fayard, octobre 2015
16 euros

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