mardi 15 novembre 2016

"A rebrousse-temps" - Philip K. Dick

Le temps s'est détraqué, désarticulé encore une fois. Cette fois-ci, à cause de ce qui est appelé l'effet Hobart (du nom de celui qui avait prévu cette éventualité), les morts reviennent à la vie pour finir par retourner dans le ventre de leur mère, après être passés par tous les stades de la vie adulte puis enfantine. Et il en est de même pour la nourriture, les cigarettes, les vêtements... mais surtout toute la culture également : les livres finissent par ne plus avoir été écrits, par exemple. La Bibliothèque, ce bâtiment qui fait frémir toute personne devant s'y rendre, est en charge d'effacer - et non plus d'archiver - toutes les traces compromettantes ou devenues caduques.

Ceux qui s'occupent des morts, les employés des vitarium, doivent repérer les cris d'effroi poussés outre-tombe et les excaver, puis trouver des personnes de leur famille ou de leur entourage qui veulent bien les reprendre sous leur coupe moyennant finances. C'est ainsi que Sebastian Hermes, patron d'un petit vitarium, se retrouve devant la tombe de l'Anarque Peak, un ancien leader religieux ayant prodigué des vérités dérangeantes pour les autorités religieuses, menaçant de se réveiller à tout bout de champ. Et cela tomberait plutôt mal pour ceux qui ont repris son flambeau pour mieux le détourner.

On retrouve ici plusieurs thèmes chers à Philip K. Dick, comme l'illusion du temps, de la matière, les forces cosmiques contraires (entropie/néguentropie), la présence du divin, la drogue comme remède à la réalité illusoire du monde... Bien qu'on se retrouve finalement dans un roman d'action plus que dans un traité philosophique, l'auteur réussit à faire passer ses idées de manière subtile mais efficace - quelques paragraphes à peine perdus dans les 250 pages du roman, qui sauront faire tilt chez ceux qui n'y sont plus étrangers. Les personnages sont toujours très simples, voire anormalement basiques, bien que ceux-ci soient un peu bousculés par le fait qu'ils se voient rajeunir et donc perdre petit à petit en maturité. La référence à la Bibliothèque comme antre de l'horreur traduit bien l'idée de Dick que les autorités en vigueur tentent de manipuler la population afin de l'asservir et de traquer tous ceux dont les idées sont anti-conformistes jusqu'à les détruire.

Il faut noter également que le roman rend un hommage considérable à James Pike, évèque et grand ami de Philip K. Dick, lequel l'aura beaucoup inspiré dans sa quête mystique mais aussi bon nombre de romans. Celui-ci mourut d'ailleurs deux ans après la publication de ce livre.

Même si ce n'est pas un livre majeur de l'oeuvre de l'auteur, c'est un des pilliers qui fera naître plus tard les idées religieuses, mystiques et métaphysique que l'on retrouvera dans son Exégèse... dont je vous parlerai bientôt !

par Mrs.Krobb

A rebrousse-temps de Philip K. Dick
Science-fiction américaine (traduction par Michel Deutsch)
J'ai lu, mars 2015 (original : 1967)
6 euros

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