lundi 9 juillet 2018

"Objectif Soleil" - Bertrand Piccard & André Borschberg

À quelques jours d'intervalle, j'avais vu mon père partir pour sa plongée-dérive d'un mois dans le Gulf Stream et l'équipage Armstrong - Aldrin - Collins décoller pour la Lune. Il n'y avait plus aucune différence entre mes lectures d'enfant et les expériences que je découvrais, plus aucune différence entre le rêve et la réalité. Cette impression que tout est possible influencera mon existence entière. 

Cette histoire est celle d'un homme, Bertrand Piccard, qui a un rêve : faire le tour du monde en avion solaire. Sur son chemin, il rencontrera le soutien d'abord de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, puis d'André Borschberg, avec qui le courant va passer radicalement (parfois limpide, parfois presque explosif). Ces deux hommes, piliers et initiateurs du projet, vont aller jusqu'au bout de leur rêve, quoiqu'il en coûte. Grâce à l'audace, au courage, à la persévérance, à l'endurance, à un travail acharné, et surtout grâce à toute une équipe diverse et professionnelle ainsi que de nombreux partenaires financiers.
Voilà l'idée. L'avion montera en rechargeant ses batteries tant qu'il aura de l'énergie solaire à disposition et devra atteindre 9 000 mètres en fin de journée. C'est juste en dessous des avions de ligne (10 000 mètres) afin de ne pas les déranger. Ce niveau permet de voler avec un masque à oxygène sans pressuriser le cockpit. La température y avoisine les -40°C, un standard en électronique. L'altitude représente en elle-même une réserve d'énergie potentielle. Au coucher du soleil, le très faible taux de chute de l'avion lui permettra de planer plusieurs heures, sans entamer les batteries. Durant la descente, les hélices tourneront au ralenti pour ne pas créer de traînée additionnelle. Ce n'est qu'après trois ou quatre heures de descente, quand il faudra stabiliser le palier en fonction des montagnes, des nuages ou des turbulences, que les batteries seront mises à contribution pour atteindre le lever du soleil.
Techniquement, on va suivre toute la construction de l'avion solaire, de ses premières esquisses à son prototype, puis à sa version finale, en passant par tous les aspects techniques, les angoisses liées au matériel, et toutes les étapes de tests. Parallèlement, on suit l'aventure de la recherche de sponsors, de partenaires, la construction d'un message fort. C'est totalement immersif, et même si de prime abord le sujet semble assez spécialisé, il semblerait qu'à la fin, tout le monde puisse devenir complètement pendu aux lèvres - enfin, aux ailes - de cet avion insolite.
Je n'en peux plus de voir autant de rêves anéantis par la bureaucratie. Si dans l'avenir il n'y a plus de grandes aventures, ce ne sera pas par manque d'idées, mais par excès de règlements. 
J'ai fort apprécié d'avoir les voix des deux fondateurs du projet en simultané. Premièrement, parce que chacun s'est occupé d'un aspect plutôt précis du projet et que ça permet de comprendre vraiment tous les enjeux, autant techniques que communicatifs. Deuxièmement, parce que ça permet aussi de voir comment l'équipe est gérée, perçue, comment se passe le projet en interne et comment gérer un rêve à deux, avec des vues parfois différentes. Il y a, dans ces discours, beaucoup d'émotions qui passent, et c'est assez intense, ça permet aussi d'avoir l'impression de faire partie de la course, ce qui fait que la lecture passe rapidement, de façon très fluide.
L'Arizona m'accueille dans ses collines de rochers rougeoyants au coucher du soleil, et je tourne sur Phoenix pendant deux heures en attendant que le vent se calme. C'est une ville sensible aux soucoupes volantes. Des lumières étranges avaient défrayé la chronique autrefois. Pour m'amuser, j'allume et éteins plusieurs fois les 16 phares d'atterrissage qui illuminent mon aile. Le résultat ne se fait pas attendre. 950 appels arrivent à la police.
Je suis un peu passée à côté de Solar Impulse à l'époque - il faut dire qu'il s'y est passé beaucoup de choses pour moi - et je suis ravie de faire cette découverte maintenant. C'est un message que je trouve important, un projet qui a du sens, et de le suivre ainsi de façon aussi intime renforce encore plus l'expérience, rendue personnelle, vivante, sensationnelle et immensément prenante par l'écriture de Bertrand et André, qui ont de façon évidente bien travaillé leur discours pour en faire un appel au rêve, à l'aventure, à la passion, à la découverte et à la révolution écologique.
L'énergie solaire et les technologies propres ont porté l'avion. L'aventure humaine emportera le lecteur dans les émotions d'un rêve à la Jules Verne au service d'un message : le rôle des explorateurs d'aujourd'hui doit consister à promouvoir une meilleure qualité de vie sur cette planète.
(Introduction de l'éditeur) 
 P.S. : Pour la petit anecdote, j'ai attendu de recevoir ce livre pendant presque deux mois - je remercie Mme Buthier pour sa persévérance ! -, comme si, pour illustrer son propos, il avait voulu voler à son rythme, solaire et patient, vivre ses propres aventures. J'apprécie le clin d’œil, même s'il est peu probable qu'il ait voyagé à l'énergie solaire (mais pourquoi pas bientôt ?)
L'impact de notre visite est énorme. Un ministre annoncera même dans un grand journal national que la vue de cet avion solaire l'a inspiré pour lancer un programme de trains solaires. Notre message fait tranquillement son œuvre.

Bonus : extraits 1, 2, 3

par Mrs.Krobb

Objectif Soleil : L'aventure Solar Impulse de Bertrand Piccard et André Borschberg
Essai suisse
Le Livre de Poche, avril 2018
8,40 euros

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