La surprise n'est pas vraiment là, pas une seule fois ce type ne m'a déçu. Pourtant t'as vu ? dans le genre mélodramatique, chiale un coup par ci parce que nénette meurt, c'est vraiment pas ma came.
Exploitant encore une fois le thème Terre/Religion/Mort qui lui est cher, Laurent Gaudé (Cris, La porte des Enfers) souffle divinement sur ces zombies d'outre tombes que sont les Noirs ayant subi l'ouragan de Katrina-la-traînée. Une lecture qui ne s'épuise jamais et vient pomper sa force dans l'envie d'en lire toujours plus, dans la poésie et la cruauté des verbes, de la puissance des maux.
Pour donner vie à la mort qui rôde, Gaudé marionnetise une vieille négresse fière de ce qu'elle est (presque centenaire, noire et fière de l'être), ayant vu le siècle passé avec son lot de cicatrices mentales plus que physiques. Comptez aussi une poignée de prisonniers, jugés chiens par dame Société, ceux qu'on préfère laisser crever pour crimes commis. Également au tableau une femme blasée, traînant avec elle le fruit de ses échecs, un fils gagné et un homme envolé. Pour finir un proche du Tout-Puissant, interprétant la catastrophe naturelle comme punition divine, lui-même se déclarant arme de Dieu, prêt à réduire ses semblables au silence.
On lit intensément, avide d'en apprendre toujours plus sur ces personnages liés par le destin. On sent moiteur et chaleur s'incruster peu à peu sur nos doigts. Lorsqu'arrive Katrina, le souffle retenu, on trépigne en imaginant les dégâts, on reprend un peu espoir et puis Dieu y met du sien et envoie Son armée chaotique, Son bras vengeur fait d'écailles et de crocs, en guise de purification.
Ébranlé. Mes ongles ont disparu sous l'action des dents prêtes à bouffer n'importe quoi qui puisse soulager les émotions. Laurent Gaudé m'a couché (encore), sans prendre la peine de me border.
Une beauté chaotique qu'on appréciera parce que c'est bon d'avoir honte.
A vous d'voir, pour ma pomme, c'est déjà tout lu.
par Loubard
Ouragan, de Laurent Gaudé
Littérature française
Actes Sud, août 2012
7.00 euros
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