"Sur la tête de l'amour" - Boris Lanneau

J'troque mon côté rock contre un roman version hip hop, une déferlante de mots qui martèlent une cité comme de la pluie. De la grosse pluie annonçant une tempête de rimes, des verbes acérés qui tapent là où le beat blesse. Un bonbon au goût amer béton.

Roman d'amour bien sûr mais pas que. Boris Lanneau s'inspire du bitume, rend ses personnages aussi vrais qu'en vrai, dotés d'un cerveau et livrés avec une conscience, surtout côté gonzesses. Les garçons en prennent (presque) tous plein la New Era, ça fait un putain d'bien fou dans un univers que l'imaginaire collectif pense macho et sectaire.

Aswad star de la MJC et du quartier crache ses lyrics, aux ambiances romantiques pour impressionner celle qu'il aime depuis la maternelle. Doué de la voix mais pas du stylo, c'est auprès de Sam le muet qu'il deale des refrains pour faire vibrer Nora. Sam slam sur feuille mais impossible de jacter, il aimerait bien aussi déclarer sa flamme à Nora. Nora douée en tout, manie aussi bien la répartie qu'elle a la tête sur les épaules, se sent rejetée parce que pour elle écrire les mots en bon français c'est un peu trop compliqué. Trois héros, trois handicaps. Moi j'ai vibré. Seul bémol dans cette envolée lyrique, Nora incarne LA perfection fictive, et ne renvoie à rien de ce qu'on n'a pu connaître. Elle est l'idéale rebelle qui colle bien à l'histoire, et qui rend narvalo tous les gosses des tours et alentours.

Le ton est donné, comédie-dramatique. Nora, Aswad, Sam, Hein & Neken (genre t'as tellement envie que ça soit tes potes eux deux), Youssef et tout le ter-ter. Chacun livrant bataille poétiquement contre les problèmes qu'il rencontre. Les battle entre MC n'en ont pas fini de vous faire crier BOOOOYAAAAH, on se surprend à s'inquiéter pour ces gosses qui jouent et déjouent la langue française, la faisant évoluer sans oublier les grands de la Poésie (Rimbaud, Hugo, Eminem, ...).

Juré, cette histoire peut se lire en chantant, j'ai essayé (avec un accent à faire trembler Kool Shen mon gars). On pense à Kassovitz et à la Haine, vingt ans d'écart et des évolutions dans les rengaines.

Clairement, c'était pas gagné d'avance. Me faire voyager sur du rap français et de l'émotif, mais je dois bien avouer que je peux m'incliner, fallait oser prouver que Johnny Halliday peut sauver des vies quand les riverains n'ont plus que Que je t'aime pour sauver leur cœur. Si-si j'vous jure la meilleure scène d'amour dramatico-comique de tous les temps.

RSPCT !

par Loubard

Sur la tête de l'amour, de Boris Lanneau

Littérature Française

Collection Exprim'

Sarbacane, mars 2013

14.90 euros