dimanche 21 septembre 2014

"Le petit déjeuner des champions" - Kurt Vonnegut

Pince-mi et pince-moi sont sur un bateau. Pince-mi est un homme fabuleusement aisé, qui possède beaucoup d'entreprises et de bâtiments, dont la gloire n'est plus à faire mais qui est menacé par une "mauvaise chimie" intérieure qui le pousse à être un personnage à la fois perdu et abject. Pince-moi est un auteur de science-fiction fabuleusement méconnu, obligé de publier dans des revues érotiques pour faire connaître son point de vue sur la vie et sur le monde, pour qui la société ressemble à une usine de robots. Le bateau est un festival d'art qui se tient aux Etats-Unis et qui rassemble des artistes choisis par un grand homme capitaliste et un peu fou lui aussi.

Le bateau coule. Les personnages aussi. Ainsi que le monde autour.

Le petit déjeuner des champions est sans aucun doute la crème de la littérature américaine, le café noir de la lucidité. L'écriture et le regard sur le monde de Kurt Vonnegut ne manquent pas de piquant ni d'efficacité, et on le verrait bien parler du monde aux générations futures ou aux sociétés extraterrestres. C'est déjà plus ou moins ce qu'il fait ici, avec les quelques petites illustrations qui viennent appuyer son texte pour représenter quelques objets et choses caractéristiques des humains, en s'adressant à un public qui pourrait ne pas connaître la vie sur Terre. Très critique et pourtant parfois presque candide, Kurt Vonnegut s'impose en narrateur omniscient et présent dans son récit, tel quel et sans enjoliveurs, en Grand Créateur un peu dingue qui voudrait à la fois un monde meilleur et plus de ce monde du tout. Ce petit jeu amène des situations de mise en abyme assez loufoques voire surréalistes, et fait réfléchir sur le pouvoir d'un auteur et sur la vie des personnages.

Un grand classique, sans aucun doute puisque remis au goût du jour avec une nouvelle traduction, de la culture américaine dans son Empire et son déclin, dans toute sa splendeur, son absurdité, sa cruauté, son racisme, sa tricherie, son capitalisme. A classer à côté de Chuck Palahniuk et de Tom Robbins (également chez Gallmeister), pas loin de John Irving et de Will Self (même si lui c'est un anglais).

par Mrs.Krobb

Le petit déjeuner des champions de Kurt Vonnegut
Littérature américaine (traduction par Gwilym Tonnerre)
Gallmeister (Totem), avril 2014
10,50 euros

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