Sur une Terre à demi calcinée, devenue quasiment invivable sans dispositifs particuliers, la mode est à l'évolution forcée, à la colonisation d'autres planètes (Mars en l'occurrence) et au développement de drogues hautement hallucinogènes qui plongent son utilisateur dans un monde factice qu'il doit lui-même créer de toute pièce en se constituant un stock de miniatures - comme on remplit sa maison de poupée. Quand arrive sur le marché une autre substance, légalisée cette fois-ci sous couvert de portée religieuse adéquate, tout se dérègle dans le petit monde parfait de Poupée Pat.
Ce qui se dégage de tout ça, c'est une vision de lente agonie de l'espèce humaine qui n'est plus qu'assoiffée de pouvoir et de transformation de son corps et de son entourage. Le côté science-fiction n'enlève rien à la perspicacité du propos, et actuellement, quarante ans après la première publication du roman, nous nous rapprochons davantage du monde qui est décrit - voilà de quoi donner des sueurs froides (ce qui n'est pas plus mal, en période de réchauffement planétaire). La réflexion de l'auteur sur la religion et la prise de psychotropes semble un peu tirée par les cheveux mais n'est pas dénuée de bon sens, mais ne plairait sans doute pas à tout le monde. Mais ceux qui auront expérimenté les deux auront de quoi se triturer un peu le cerveau. En tout cas, personne n'en sort indemne et il y a de nouveau une confrontation du bien et du mal dans ses nuances les plus subtiles et complexes, afin de bien intégrer une fois pour toute que les extrêmes se rejoignent souvent... Et surtout, que notre pire ennemi n'est pas le Mal, mais bien le doute. Car, lorsque l'on en arrive de douter un peu, petit à petit, puis de plus en plus, et enfin de tout, alors il ne reste plus rien à quoi s'accrocher : autant se laisser mourir.
Le début est un peu laborieux, oscillant entre l'un peu fade et l'un peu trop complexe, mais le récit gagne en intensité et en philosophie au fur et à mesure, de manière presque exponentielle. Si la qualité strictement littéraire du livre n'est pas son point fort, Philip K. Dick excelle encore une fois dans l'étrangeté et la pertinence, et mérite bien sa place sur le trône de la science-fiction.
par Mrs.Krobb
Le Dieu venu du Centaure de Philip K. Dick
Littérature américaine (traduction par Sébastien Guillot)
J'ai lu, mars 2015
6 euros
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