Imaginez-vous un beau matin, tout prêt à aller travailler, mallette en main, lorsque tout à coup, vous voici projeté dans un accident terrible, qui vous laissera cependant indemne, frais et dispo pour partir à la conquête d'un nouveau monde, dans lequel vous serez - il va sans dire - une anomalie. Imaginez maintenant que vous êtes blanc parmi des gens métissés, médecin dans un monde qui rend un culte à la mort comme étant le passage nécessaire à une nouvelle naissance. Imaginez également qu'en sauvant des vies vous vous risquez à être condamné à l'exil sur Mars, planète-prison, et qu'en prime, le vaisseau censé vous y amener soit conduit par un bout de cerveau de rat, soumis aux caprices d'un mode aléatoire qui risque de vous projeter dans le vide sidéral sans plus d’ambages.
Respirez, ce n'est que le début. Le reste de l'aventure est encore à venir, et vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Je n'en dirai pas plus.
Fruit d'une grande réflexion sur la société depuis les débuts de la suprématie de la "race blanche" sur toutes les autres civilisations, le roman se sert de la science fiction comme d'un prétexte pour nous amener à penser à ce qui nous anime au plus profond de nous, à savoir : la vie et la mort, ou plutôt le droit de vie et de mort, sur soi et sur autrui. Philip K. Dick invente une nouvelle société dont la moyenne d'âge est d'une quinzaine d'année, où chaque mort équivaut à une naissance, où il n'y a plus de distinction de race car la couleur de peau est un mélange de toutes celles ayant existé toutes époques confondues. Les mâles sont stérilisés et les naissances contrôlées, pré-fabriquées même par une sélection pointue des zygotes pris des meilleurs individus de cette société. Tout est sous contrôle, donc, puisqu'ils ont en prime appris à voyager dans le temps.
Amateurs de théories et de science fiction s'amuseront péniblement à rechercher les paradoxes temporels et les anomalies, cependant, malgré de grandes secousses et perturbations dans l'espace-temps, l'histoire est très finement ficelée et habilement nouée façon Ouroboros. On fera aisément le lien avec la pensée orientale, la philosophie du karma et du destin, et la question est maintenant celle-ci : si nous pouvions en effet contrôler le temps et y voyager comme on le ferait spatialement, qu'adviendrait-il du libre arbitre et du choix ? Dans quelle mesure les modifications opérées pourraient avoir une incidence sur le cours des choses ?
Bref, un livre qui démarre très fort, et qui vous embrouillera les neurones de plus en plus vite, de la main d'un chef d'orchestre relativement machiavélique.
par Mrs.Krobb
Docteur futur de Philip K. Dick
Littérature américaine (traduction par Florian Robinet)
J'ai lu, mai 2014 (original : 1959)
6 euros
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