Difficile de ne pas penser à Alice dégringolant dans le terrier du lapin blanc, à l'imaginaire incroyablement déroutant – parfois dérangeant (et hérétique) – de Jérome Bosch, à l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, à Planète Sauvage de Topor et Laloux, voire aux films de Terry Gilliam ou aux peintures de Mirò ou de Dali...
Les premières éditions ont été vendues à un prix relativement élevé, allant de 200 à 1000 euros parfois, mais on peut le trouver maintenant édité dans différentes langues à un prix plus modeste et accessible. Pour les curieux, il devrait être facile de le trouver en version numérique gratuitement.
Luigi Serafini a volontairement continué à laisser planer le doute quant à la signification de son livre, la langue inconnue n'ayant toujours pas été déchiffrée (du moins, dans son intégralité). L'une des raisons étant probablement que le livre pourrait perdre de son attrait s'il n'était pas l'objet d'autant de fascination et de curiosité, l'autre étant sûrement pour faire un parallèle avec notre propre vision du monde. Il nous semble décrire un univers relativement proche du nôtre, avec des éléments connus, mais son étrangeté le rend presque inquiétant. Bien que la logique de nos deux univers semble proche, nous ne parvenons pas à créer de lien entre les différentes connexions.
Voici ce que l'auteur en dit : « Ce livre vous donne un sentiment d’analphabétisme qui, à son tour, encourage l’imagination, un peu comme les enfants qui se plaisent à imaginer une histoire en tenant un livre à l’envers. Ils ne peuvent pas encore lire, mais ils se rendent compte que cet objet doit faire sens et d’imaginer ce que sa signification doit être. »
C'est, personnellement, de cette manière que j'aborde le livre. Nul besoin d'en déchiffrer le sens à tout prix, puisque le travail d'imagination qui a été fait, et qu'on est obligé de faire devant ces inepties du bon sens, nous amènera tout à fait là où l'on veut aller – et plus loin encore. Ce n'est pas sans rappeler un univers onirique, se fondant sur des personnes et des décors connus, mais où rien n'a de sens, où l'on passe d'une chose à une autre sans transition ni logique, et où tout finit par avoir du sens malgré tout, grâce à un système d'analogie, de symboles et de concepts. Bref, en un mot : c'est absurde. Ou c'est du génie. Ou de la folie. Ou tout à la fois.
Italo Calvino a écrit une préface au Codex dans une édition aujourd'hui rarissime, introuvable en français sur internet, mais que vous pourrez trouver dans le Believer, dont voici un extrait traduit :
« Et voici ce qu'on peut en conclure : douée du pouvoir d'évoquer un monde dans lequel la syntaxe des choses est subvertie, l'écriture séraphinienne doit cacher, sous le mystère de sa surface indéchiffrable, un mystère plus profond qui touche à la logique interne du langage et de la pensée. »
par Mrs.Krobb
Codex Seraphinianus de Luigi Serafini
Livre d'art et essai italien
Rizzoli, octobre 2014
99 euros
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