La ferme avait été la tanière d'Arthut Bramhall, (...) un homme mal taillé pour l'enseignement, car sujet à la dépression, qui préférait la solitude parce qu'il se savait de piètre compagnie lorsque son moral était au plus bas, ce qui était presque toujours le cas. Il avait acquis la vieille bâtisse dans l'espoir de nouer des relations sexuelles avec des femmes qui elles aussi avaient choisi la campagne et se trouvaient peut-être déprimées. (...) Son projet était de coucher avec elles et d'en tirer un récit qui deviendrait un best-seller. Le roman avait été écrit mais sur la seule base de son imagination, car il avait découvert que les femmes installées à la campagne portaient des salopettes informes, sentaient souvent l'essence, célébraient les solstices, et refusaient de se raser les jambes ; elles étaient devenues à ses yeux des femmes à fourrure, ce qui nuisait à sa libido. Si bien que la seule chose excitante qui lui était arrivée avait été l'incendie de sa ferme.
L'histoire se découpe en deux points de vue, alternant l'un et l'autre à chaque chapitre : celui du professeur de littérature en année sabbatique venu habiter en ermite dans la campagne profonde du Maine, qui vient de terminer la deuxième version de son roman (la première se retrouvant malencontreusement flambée), et celui de l'ours chanceux, qui le lui vola (pensant que ce serait peut-être une bonne tarte) et se fit une terrible renommée malgré lui. L'un et l'autre finissant, par un concours de circonstances, à renverser leurs rôles petit à petit, à bien se plaire dans la peau de l'autre... La frontière entre l'homme et l'animal serait-elle finalement si mince ?
« Ce que je crois avoir détecté, confia [le professeur Ramsbotham] à l'ours à voix basse, c'est la naissance d'un nouveau type de lecteur. Simple dans ses goûts. Lassé de la narration conventionnelle et à la recherche d'oeuvres au contenu visuel fort. Je crois que nous allons assister à la fin du roman traditionnel et de son obsession nombriliste. Qu'en pensez-vous ?C'est délicieux, hilarant, original et acidulé ! L'auteur, qui avait déjà mes bonnes grâces avec Fan Man, vous sert ici des clichés à la louche et n'y va pas de main morte, présentant la crème de la crème du gratin américain entre célébrités people et bonnes femmes branchées New Age, bucherons désabusés et grandes huiles du pétrole. Cerise sur le gâteau : un humour décapant à couper au couteau qui se base essentiellement sur les quiproquos, les renversements de situation et le bousculement de la bienséance.
- De la crème fouettée, fit l'ours, tout en en versant une louche sur une tranche de tarte à la noix de pécan.
- C'est exactement ce que je veux dire ! s'exclama Ramsbothan. A quoi bon battre l'expérience humaine comme on battrait de la crème pour la transformer ? Très bien formulé, Flakes. »
« J'ai cru comprendre que vous étiez originaire du Maine, dit le vice-président. Nous avons âprement lutté pour y préserver la nature sauvage.Improbable, déroutant, démontant la pièce montée qu'est la société pour en faire des saucisses pour le chien... Rien à redire, c'est tout à fait ma tasse de thé ! Avec beaucoup, beaucoup de miel.
- Je préfère les hôtels, répondit l'ours. Ils lavent vos slips. »
par Mrs.Krobb
L'ours est un écrivain comme les autres de William Kotzwinkle
Littérature américaine (traduction par Nathalie Bru)
Cambourakis, octobre 2014
22 euros
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