Les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques les plus en vue déclaraient haut et fort leur intention de commercialiser les produits naturels des Indiens d'Amazonie à un prix « juste ». Par ailleurs, des ethnobotanistes et des anthropologues, qui avaient examiné la question de la rémunération équitable de la « propriété intellectuelle » des peuples indigènes, avançaient des chiffres impressionnants : 74% des remèdes ou des drogues d'origine végétale utilisés dans la pharmacopée moderne ont été découverts en premier lieu par les sociétés « traditionnelles ». A ce jour, moins de 2% de toutes les espèces végétales ont subi des tests scientifiques complets en laboratoire. La grande majorité des 98% restants se trouvent dans les forêts tropicales, là où est concentrée la plus forte diversité d'espèces (« biodiversité »). L'Amazonie contient plus de la moitié de toutes les variétés de plantes du monde. Et ainsi de suite.Jeremy Narby est docteur en anthropologie et travaille pour l'ONG Nouvelle Planète. Suite à un voyage effectué en Amazonie pour comprendre l'écologie et les connaissances botaniques des ashanincas afin de préserver leur environnement menacé par la destruction, il entreprend une étude approfondie du chamanisme, des plantes hallucinogènes et médicinales, et tente de relier les mondes rationnel et irrationnel. Son point de départ ? Expérience personnelle avec l'ayahusca, où il entrevoit deux énormes serpents, qui, plus tard, le mettront sur la piste de l'ADN. A partir de là, et pendant dix ans, il va écumer les bibliothèques et le savoir anthropologique, scientifique et chamanique, afin de dépasser le fait que « l'analyse académique du chamanisme sera toujours l'étude rationnelle de l'irrationnel, c'est-à-dire un contre-sens ou un cul-de-sac. »
Tous les recoupements que j'avais trouvés jusque là entre le serpent cosmique et l'axe du monde, d'une part, et l'ADN, d'autre part, opéraient surtout au niveau de la forme. Cela rejoignait ce que Carlos Perez Shuma m'avait dit : la nature parle en donnant des signes et, pour la comprendre, il fallait être attentif à des similarités formelles. Il avait également dit que les esprits de la nature communiquaient avec les humains dans les hallucinations et les rêves, c'est-à-dire par des images mentales. Cette idée est très répandue dans les traditions « pré-rationnelles ». Par exemple, Héraclite d'Ephèse disait de l'oracle pythien (du grec puthôn, serpent), qu'il « ne parle pas, ne dissimule pas, mais donne un signe ».Il convient d'abord de placer le contexte, d'expliquer la mythologie des peuples indigènes d'Amazonie, mais également du chamanisme universel, de faire des analogies avec la mythologie occidentale, et de se concentrer sur l'aspect formel des choses. Lorsque les chamanes ont des visions, ces visions se ressemblent étrangement d'un bout à l'autre du monde, et si mystiques qu'elles paraissent, elles sont finalement plus terre-à-terre que l'on ne peut le penser de prime abord. Car, ce que Jemery Narby découvre au fur et à mesure, c'est que ces visions sont précisément ce qui nous anime profondément, à savoir : des visions d'ADN, de cellules... En définitive, on pourrait dire que c'est l'ADN de la nature, et donc de la planète, qui s'exprime à travers de leur propre ADN pour leur faire comprendre le fonctionnement intrinsèque des choses.
Selon Townsley (...) : « L'approche métaphorique ne désigne pas faussement les choses, mais, au contraire, constitue la seule manière de les nommer correctement. »Une enquête et une aventure fascinante qui transcende le monde visible et invisible et qui bouscule les barrières hermétiques qui se trouvent entre la pensée rationnelle et la pensée irrationnelle, qui se rejoignent en un point, entre les deux serpents entrelacés. Et cette histoire se termine avec le commencement, qui est la naissance de la vie sur Terre et de ses vertigineux mystères et bizarreries. Dépouillé de tout a priori et de tout jugement, ce livre-introduction concilie les opposés avec une certaine douceur, un côté poétique et candide, tout en étant murement réfléchi, référencé et analysé, sans avoir la rigidité académique d'un essai scientifique testé en laboratoire ni le langage alambiqué et difficilement compréhensible pour les non-initiés du chamanisme.
Un être humain moyen est constitué d'environ cent mille milliards de cellules. Cela veut dire qu'il y a deux cent milliards de kilomètres d'ADN dans un corps humain - ce qui correspond à soixante-dix allers et retours entre Saturne et le Soleil. Vous pourriez voyager votre vie entière dans un Boeing 747 lancé à pleine vitesse, et vous ne parcouriez même pas un centième de cette distance. Votre ADN personnel est capable d'embobiner la Terre cinq millions de fois.
Bonus : de nombreux extraits ici
par Mrs.Krobb
Le serpent cosmique, l'ADN et les origines du savoir de Jeremy Narby
Essai canadien
Georg éditeur, juillet 1997
19,50 euros
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