Mais pourquoi tout cet équipement ? C'est parce que les gens comptent sur lui. C'est un modèle. On est en Amérique, bordel. Les gens font ce qu'ils ont envie de faire. Ca vous emmerde ? Ils ont le droit, c'est comme ça. Et ils ont des armes, ces cons-là, pas question de les stopper. Le résultat, c'est que l'économie de ce foutu pays est l'une des pires au monde. Et puisqu'on parle de balance commerciale, laissez-moi vous dire qu'après avoir laissé filer nos meilleures technologies à l'étranger, après avoir été rattrapés par tout le monde, au point que les bagnoles que nous achetons sont fabriquées en Bolivie et les fours à micro-ondes au Tadjikistan, après avoir perdu notre suprématie en matière de ressources naturelles au profit de Hong Kong, dont les supercargos et les dirigeables vous déménagent tout le Dakota du Nord en Nouvelle-Zélande pour une bouchée de pain, après avoir laissé la Main Invisible réduire nos iniquités historiques en une bouillie globale qui ferait la prospérité d'un faiseur de briques pakistanais, vous voulez que je vous dise ? Il n'y a plus que quatre trucs qu'on fait mieux ici qu'ailleursL'auteur plante son décor et son action dans une Amérique entièrement privatisée, hurlante de néons et d'enseignes, morcelée entre les différentes mafias et gouvernements fédéraux, où les pizzas doivent se livrer en 30 minutes top chrono et où les courriers se livrent en planche à roulettes hyper sophistiquées. La technologie est sur-développée, la surveillance n'a rien à envier à Big Brother, mais surtout, le monde virtuel est presque aussi important que le monde réel, à tel point que les deux se superposent en permanence, grâce des machines portables 3D en réalité augmentée.
la musique
les films
la microprogrammation (informatique)
la pizza-express à domicile.
L'histoire se met vraiment en branle à partir de l'apparition d'une nouvelle drogue, doublée d'un virus informatique, chacun surpuissant, plongeant l'usager dans une sorte d'hypnose ou de transe : le Snow Crash. Les protagonistes découvrent qu'à l'origine de ce cataclysme se situe le plus grand magnat de la religion New Age, de la nouvelle Babel, de l'Infocalypse.
- Une seconde, Juanita. Il faudrait te décider. Ce Snow Crash, au juste, c'est un virus, une drogue ou une religion ?Neal Stephenson nous revoie à la fois des millénaires en arrière, en nous forçant à fouiller dans les tréfonds de la civilisation sumérienne et de ses grands mythes, mais également à nous plonger dans une dimension parallèle, le cyberespace, et relie les deux avec autant de grâce, de subtilité et de pertinence que possible. Un vrai coup de maître. D'autant plus que le roman date de la fin des années 80, à l'époque où le Métavers se matérialisait avec Habitat (un prototype du style de Second life) et où le mot avatar était encore peu connu. Un petit air de Poupée Pat.
Elle hausse les épaules.
- Quelle différence ? demande-t-elle.
Le roman a d'abord été conçu comme un roman graphique ; hélas, comme l'auteur l'explique bien à la fin du livre, il n'en reste plus que les mots - mais quels mots ! Quoiqu'il en soit, à son époque, ce devait être une petite bombe explosive qui n'a rien à envier aux génies de la SF et qui regorge de connaissances et d'une justesse incroyable concernant les mondes virtuels, à l'époque si peu développés. Il y a ici une parfaite maîtrise de l'humour, un excellent dosage entre scènes d'action et réflexions sur le langage et la religion, une lucidité épatante et une vision du futur plutôt réaliste mais plutôt cauchemardesque. L'excellence du roman cyberpunk, à ne pas rater.
Il est impossible d'éradiquer une idée virale comme nous l'avons fait avec le nazisme, les pattes d'éléphant et les T-shirts Bart Simpson.Bonus : extrait 1, 2, 3, 4, 5
par Mrs.Krobb
Le samouraï virtuel de Neal Stephenson
Littérature américaine (traduction par Guy Abadia)
Livre de Poche, mars 2017
9,10 euros
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