A la fin du XIXème siècle, en Angleterre, un homme tente de sortir de la dépression pour assurer la survie de sa nombreuse famille, et décide de se passionner pour les abeilles et d'inventer un modèle de ruche qui permet à la fois de les observer sans les déranger, mais aussi de récolter le miel. Hélas, à chacun de ses efforts, chacune de ses tentatives de faire breveter ses inventions, l'herbe lui est coupée sous le pied par quelqu'un d'autre. Mais ses plans resteront... et traverseront un océan.
Avec cérémonie, telle une future mariée fixant son voile devant le miroir, je revêtis la combinaison blanche, les gants, le chapeau, puis me penchai sur la brouette pour la pousser jusqu'au fond du jardin. A force d'être piétinée, l'herbe avait fini par former un sentier jusqu'à la ruche - une nef étroite, pensai-je soudain. Je pouffai en m'imaginant marcher jusqu'à l'autel, les joues rougies par l'émotion. Ce jour-là aussi allait sceller mon destin.Début du XXIème siècle, dans les Etats-Unis, un homme s'emploie à prendre soin des abeilles, en construisant encore ses ruches lui-même quand tout le monde opte déjà pour le prêt-à-l'emploi. Sa ferme marche plutôt bien, quoique cela demande beaucoup d'effort, de travail et d'un peu de main d'oeuvre. Sa femme aimerait partir en Floride, son fils aimerait devenir écrivain... Et tout à coup, c'est le grand Effondrement : les abeilles disparaissent.
De quoi est-ce qu'il parlait, ce foutu prof d'anglais ? Qui était-il pour donner des conseils à mon fils ? Encore un qui devait passer ses journées à boire du thé et à tailler sa barbe avec des ciseaux à broder, dans un bureau poussiéreux plein de livres qu'il faisait semblant d'avoir lus. Le genre de types à se balader avec une écharpe même à l'intérieur.Fin du XXIème siècle, en Chine, tous ceux en âge de faire des travaux manuelles se voient reléguer dans des champs d'arbres fruitiers pour les polliniser à la main. C'est un travail de titan, mais qui permet de pouvoir encore avoir des fruits, à une époque où l'Amérique et l'Europe ne sont plus qu'un vague souvenir de grandeur. Un jeune couple se voit enlever son enfant après un tragique incident, et les autorités s'emparent du champ comme s'il était devenu terrain miné.
Le petit récipient en plastique était rempli d'un or vaporeux minutieusement pesé et distribué également à chaque d'entre nous tous les matins. Je plongeai le plumeau dans le bac et disséminai cette précieuse poudre autour de moi. Chaque fleur devait être pollinisée à l'aide de la balayette en plumes de poule, des poules de laboratoire conçues spécifiquement pour cet usage, car l'efficacité de leur plumage était supérieure à celle de n'importe quelle fibre artificielle.Un roman très prenant, entre science-fiction et réalité imminente, qui fait l'éloge du fonctionnement parfait de la nature, tout en promettant une Apocalypse rapide qui mettra fin à l'âge d'or de la consommation, de la civilisation, de la monoculture et de l'industrie. Sans toutefois faire une critique acerbe ni être moralisatrice, l'auteure a su construire un récit bien ficelé dans un décor à la fois beau et terrible où évoluent des personnages humains, sensibles, désireux de faire avancer le monde tout en chérissant la nature. C'est aussi une belle démonstration de la puissance de l'amour, de la force de la famille, et des... ailes que cela fait pousser, du désespoir que la séparation engendre, de la solidarité que fait naître le besoin de survivre coûte que coûte, même dans le dénuement le plus total. De plus, le ton d'écriture est soigneusement adapté à chaque personnage de chaque époque, et n'hésite pas à nous les faire paraître "à nu", imparfaits, impuissants.
Sujet d'actualité, la disparition progressive des abeilles a de quoi inquiéter, et plusieurs pistes de réflexions sont amenées ici, tout en subtilité - et vous pourrez retrouver les sources bibliographiques à la fin du livre. N'oublions pas qu'à cet instant même, des chercheurs sont en train d'élaborer des prototypes d'abeilles-androïdes qui pourront servir de renfort afin de pérenniser l'effort de pollinisation que seules les abeilles sont capables d'assurer pour le moment et qui constituent en partie notre survie (et celle de la nature, bien qu'elle finisse toujours par l'emporter, jusqu'ici).
Partout autour de nous, le plus grand silence, exception faite du vent qui cinglait les bâtisses aux tuiles et aux fenêtres mal fixées - le bruit des muscles de la Terre, qui, lentement mais sûrement, prenait sa revanche sur la civilisation et cherchait à exterminer les hommes.
par Mrs.Krobb
Une histoire des abeilles de Maja Lunde
Littérature (traduction par Loup-Maëlle Besançon)
Presses de la Cité, août 2017
22,50 euros
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