Voilà une introduction peu commune (qui fait visiblement allusion à la propre présentation de l'auteur), deux pages pour annoncer un roman dans le roman, le roman d'un personnage de fiction, dont on voit la bibliographie en première page. Un personnage de fiction, pour mieux montrer le côté virtuel de la chose. Reprenons donc, à partir d'Herbert Kahn.
Il y avait d'abord sa vie, celle qu'on appelle la vie privée, privée de quoi on ne sait pas mais ça lui va bien à cette vie : c'est vrai qu'elle était, qu'elle est toujours privée de quelque chose.Professeur, écrivain, marié et père de jumeaux, Herbert a ouvert une page Facebook pour faire la promo de ses livres. Il n'y va pas pour lui-même, mais en tant que personnalité publique. Le virtuel, c'est un peu les devoirs. Et puis un jour arrive Coline, une demande en ami, quelques mots échangés. Elle trouve qu'il est attirant. Il reçoit une photo de ses seins. Commence une idylle numérique par Messenger interposé, une aventure sexuelle virtuelle, secrète, entre deux copies à corriger.
Il l'écrit : dans les bras l'un de l'autre. Ça lui fait plaisir d'écrire ça, alors qu'ils ne se sont jamais touchés, qu'ils ne se sont même jamais vus. N'empêche : en esprit, ils étaient dans les bras l'un de l'autre. Car l'esprit aussi a des bras.Romance 2.0, aux allures carrément et explicitement érotiques, un livre dans le livre, un personnage de fiction qui écrit un roman, roman créé sur la base d'échanges virtuels avec une femme de fiction, qui est forcément réelle puisqu'elle existe, mais qui est si lointaine qu'elle est encore plus fictive. La vie réelle d'Herbert, père de famille, prof et écrivain, est complètement effacée, elle aussi. Clairement, le message ici est le côté vaporeux de la fiction, du virtuel - mais aussi l'importance que cela peut prendre, au-delà même de la réalité concrète. Herbert écrit son roman pour ne pas oublier son histoire virtuelle, comme si rien ne s'était passé alors qu'il ne s'est passé que ça, au point de ne plus penser qu'à ça.
C'est sans doute pour ça qu'il est tellement tenté de se ressouvenir. Parce que si lui ne s'en souvient pas, alors qu'en effet ils ne se sont jamais vus, jamais touchés, jamais embrassés, ce sera comme s'il ne s'était jamais rien passé. Alors qu'il s'en est tellement passé.
La conversation n'était pas terminée, pas tout à fait. Souvent il avait l'impression que la conversation était terminée et elle ne l'était pas. La glu s'étirait en fils interminables.Je ne sais pas bien s'il s'agit d'une critique des relations sur les réseaux sociaux - j'imagine que oui ? - ou s'il s'agit de montrer la force que peuvent prendre seuls les mots - si creux soient-ils - , et j'avoue que je n'ai pas été emportée. Pourtant, c'est un sujet qui m'a concernée de près, c'est quelque chose que je comprends bien, mais je n'ai pas accroché du tout aux personnages - trop vaporeux - et j'ai trouvé leurs échanges bateau - oui, c'était sûrement le but. L'auteur pointe de façon insistance les quiproquos, malentendus, doubles sens, mots trop vites tapés, la bizarrerie de se dire sur messagerie qu'on devrait s'écrire un mail et en reparler de vive voix. Cependant, ni assez cynique ni assez passionné, ça tourne vite en rond et ça tombe à plat, malgré bien sûr une certaine ironie, posée par le personnage principal, d'abord critique et distancié par rapport à cette relation qu'il voit vite comme vide de sens, si ce n'est une attirance sexuelle mal assumée. Je pense qu'en un sens c'est réussi, mais je n'ai pas été super emballée, bien que la lecture se fasse très vite grâce à une écriture fluide et intéressante et qu'il y ait de bonnes réflexions. Je remercie les éditions Quidam pour cette lecture !
Bonus : extraits 1, 2, 3
par Mrs.Krobb
Seule la nuit tombe dans ses bras de Philippe Annocque
Littérature française
Quidam, août 2018
16 euros
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