La première fin du monde, c'est quand Joseph Kamal et son frère organisent un braquage, que les flics arrivent, que le frère leur tire dessus, qu'il se fasse assassiner sous les yeux de l'autre, que Jo finisse en prison, juste parce qu'il voulait pas que son frère soit tout seul.
La deuxième fin du monde, c'est quand presque toute la France se fait ravager par une explosion nucléaire, que Jo arrive à s'échapper de la prison et qu'il se rend compte qu'il est immunisé contre les radiations, qu'il doive tuer un flic pour s'en sortir, et qu'il finisse par vivre en ermite dans un monde dépeuplé, à tout recommencer à zéro.
La dernière fin du monde, eh bien. Vous verrez bien.
Ce que je suis en train de vivre me sidère tellement, je me dis ce n'est pas possible, on va me sortir de là, c'est une blague, un cauchemar, ce scandale va cesser. Les gens du Dehors ne savent pas, l'apprendront, vont faire quelque chose. Une pareille abomination ne peut pas se passer dans mon pays.« Soumets-toi, rencard à 4h sur le toit, amène tes arguments, j'amènerai mon nunchaka, ma colère gronde, j'te ferai cuire au micro-onde, j'irai pisser sur ta tombe ce s'ra immonde, comme la fin du monde. » L'Apocalypse selon Stupeflip, pour vous donner une idée de ce dans quoi vous allez mettre les pieds. La première partie, sur la prison, est totalement ancrée dans la réalité présente : conditions de vie carcérale, humiliation, corruption, manipulation, domination, peur, suicide... Une volonté de faire réfléchir, esquissée dans les détails. Un premier coup porté aux tripes.
Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C'est une souffrance atroce d'être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d'un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. Je ne suis pas seulement battu en dehors de toute justice, mais laissé sans secours. J'aurais tellement besoin qu'on me porte assistance, que quelqu'un d'étranger à toute cette histoire vienne prendre mon pouls et faire les gestes convenus. J'attends en vain, blêmissant et tremblant, sans rien pour me couvrir.La deuxième partie est presque un peu surréaliste, avec son explosion et ses immunisés, un air de vraie fin du monde qui pourrait bien arriver, deuxième réflexion qui tente de faire réagir sur des problématiques actuelles. Et pourtant, ici ça n'est guère qu'un prétexte : peu de détails sur la catastrophe, les enjeux, les possibilités. Juste un air de liberté, de nouveau départ, un portrait-paysage dénué d'humains, juste notre héros, sa cavale, son refuge dans les bois, ses nouveaux compagnons animaux. La vie au grand air, pour quelqu'un des villes, la délivrance de la prison, apprendre à être un adulte, à construire un monde, à vivre au jour le jour. C'est la partie la plus importante du livre, et ma partie préférée, plutôt simple en vérité, mais on s'immerge facilement. La fin m'a arrachée un cri de douleur, encore pire que le premier.
D'ailleurs, j'devrais m'prévoir des fêtes juste-pour-moi, juste pour m'ambiancer. Je commence à déprimer, faut réagir. Disons que le 8 janvier, ça sera la fête des Cailloux.L'autrice alterne entre le point de vue du personnage et une sorte de narrateur omniscient, qui offre à la fois une sorte de détachement et d'immersion totale, entre faits et ressenti, qui fait qu'on rentre facilement dans le jeu, ça touche un peu plus, mais parfois c'est bien, aussi, d'avoir un peu de recul. Si ça a pu me perdre un peu au début, j'ai fini par passer outre. Elle met en avant de forts contrastes, jouant sur les contraires, les opposés, la béatitude et l'horreur, la liberté totale et la privation, la solitude et se faire marcher sur les pieds, le rationnement et l'abondance, la beauté et la laideur, le béton et la nature, la loi des hommes et la loi de la terre... Comme j'ai lu le livre d'une traite, ça a été l'ascenseur émotionnel, un peu terrible d'ailleurs. Ce que j'ai le plus apprécié ? Le monde sans humains, le retour à la terre, le côté Blanche neige dans les bois version hardcore. Pour le reste, tout n'est que violence et vanité. Bref, comptez bien vos dents, vous risqueriez d'en perdre quelques unes dans le tas.
Ces putains de cailloux qui sont partout.
Bonne idée, ça. Allez, le 8, tu feras des constructions en pierre avec ces caillasses. Des sculptures géantes. Ou des concours de lancer. Le 8 janvier, journée des Cailloux. Ils le méritent bien, ils sont partout.
Dire que je voulais me faire sauter l'caisson cet hiver, c'est dingue. T'as bien fait de t'entêter. T'aurais pas vu ce mois de mai de ouf. T'aurais pas récolté tes radis.Bonus : extraits 1, 2
par Mrs.Krobb
Trois fois la fin du monde de Sophie Divry
Littérature française
Notabilia, août 2018
16 euros
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire