jeudi 27 décembre 2018

"Le vieux qui voulait sauver le monde" - Jonas Jonasson

D'un côté, il avait conscience qu'il allait bientôt mourir. D'un autre, il se trouvait en compagnie d'un homme potentiellement immortel. Un homme qui n'avait pas été fusillé par le général Franco, ni emprisonné à vie par les services d'immigration américains, ni étranglé par Staline (même si ç'avait été à un poil près), ni exécuté par Kim Il-sung ou Mao Zedong, ni pris pour cible par l'arquebuse des gardes-frontières iraniens, ni décoiffé d'un seul cheveu en vingt-cinq ans de service comme agent double pendant la guerre froide, ni achevé par l'haleine de Brejnev, ni entraîné dans la chute de Nixon.
Sept ans (déjà !) après Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, Allan Karlson est de retour. Le vieux a cent un ans, et il s'ennuie avec son compère sur les plages balinaises, l'argent de la valise est presque totalement écoulé. Pour son anniversaire, il s'envole en montgolfière avec son ami Julius. Puis il s'échoue. En pleine mer. Commence alors une nouvelle suite d'aventures digne du premier tome, de la Corée du nord aux États-Unis, à la Suède, au Danemark, jusqu'au Kenya. La belle affaire ! Allan Karslon répand sur son passage terreur, nonchalance et... explosifs.
Kim Jong-un ne croyait qu'en lui-même, son papa et son papi. La pratique d'une religion était interdite en Corée du Nord, pourtant Kim était à deux doigts de penser qu'une puissance supérieure s'en était mêlée lorsque la personne plus essentielle que quiconque à ses objectifs avait été découverte, dérivant dans une nacelle en pleine mer, et repêchée, entre mille autres, par le vraquier qui participait à l'essai de livraison d'uranium. Si cette personne était bien ce qu'elle prétendait être... Ce détail restait à clarifier. Quoiqu'il en soit, elle avait été récupérer par un capitaine visiblement capable de réfléchir par lui-même. L'homme serait décoré. Et le chef de la sécurité intérieure, lui, chargé de le surveiller. Il était capable de réfléchir par lui-même..., de là à planifier un coup d'État, il n'y avait qu'un pas.
La volonté de l'auteur est affichée en préface : « J'avais déjà dit tout ce que j'avais à dire sur le siècle qui fut peut-être le plus lamentable de l'histoire. Je pensais alors que, en nous remémorant tous ensemble les vices du XXe siècle, nous aurions moins tendance à répéter ses erreurs. J'avais entouré mon message de chaleur et d'humour. Le livre s'est vite diffusé sur toute la planète. Le monde n'en est pourtant pas devenu meilleur. » C'est donc pour cette raison que son personnage fétiche intervient de nos jours, et rencontre de nouveaux les hommes et femmes les plus importantes du monde - en terme de dangerosité, ou de tentative d'enrayer la dangerosité des autres.
« En six jours, on peut accomplir beaucoup. À condition de rester en vie, car cela fait un bon moment que je suis plutôt décrépit. Ces trente ou quarante dernières années, en fait. J'ai un pied dans la tombe, comme on dit. Noé a vécu jusqu'à neuf cent cinquante ans, mais la différence, c'est que je ne suis pas un personnage de fiction.
- Qui ça ? s'étonna Kim Jong-un.
- Noé. Dans la Bible. Bon bouquin. Oups, mauvais exemple. Je suppose que vous ne l'avez pas lu, sinon vous auriez dû vous exécuter vous-même, si j'ai bien compris vos lois sur la religion. »
Politique, nucléaire, magouilles, corruption, racisme, tyrannie, dictature, secrets, ésotérisme et asperges. Voilà les sujets principaux, traités ici encore avec humour, désinvolture, piquant et cynisme, parfois de façon vraiment poussée. Peut-être trop, même, lorsque l'on sort de la caricature des gens vraiment méchants pour s'attaquer aux plus petits, mais soit. Le but est de choquer, et ça prend. Le vieux offre un nouveau pied-de-nez magistral à la face de la société, entouré de personnages improbables, qui formeront une bande très insolite.
La représentation qui suivit impressionna fortement Allan et Julius. S'ils n'avaient pas su de quoi il retournait, ils auraient vraiment cru que le défunt parlait à sa veuve par l'intermédiaire de Sabine. L'époux professa à sa femme son amour éternel et fut affligé d'apprendre que leur chat était mort huit ans plus tôt, à l'âge de seize ans. Questionné directement, il assura avoir arrêté de fumer.
Le succès aurait été total si la propriétaire s'était abstenue d'avoir une attaque lorsque le disparu déclara qu'elle lui manquait tant qu'il ne s'endormait qu'à force de pleurer.
Je ne pense pas que ce livre changera le monde, mais il changera probablement un temps d'ennui en un temps de rire, de voyage et de retournements de situations en tous genres. L'écriture de Jonas Jonasson va au plus simple, et le livre se lit comme on ingurgite une soupe aux pois pour l'hiver : vite et efficacement. Merci aux Presses de la cité et à Babelio.

par Mrs.Krobb

Le vieux qui voulait sauver le monde de Jonas Jonasson
Littérature suédoise (traduction par Laurence Mennerich)
Presses de la cité, septembre 2018
22 euros

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