Les évènements s'imbriquent les uns dans les autres, et plus vous cherchez à les isoler dans un récipient, plus ils se répandent, comme l'eau d'un canal débordant de ses rives artificielles. Les choses que nous étiquetons « début » et « fin » se révèlent souvent indifférenciables. Elles forment un tout. C'est ce que symbolise la Mort dans le tarot - une fin qui est aussi un renouveau. Seules les histoires contiennent des débuts et des fins clairement jalonnés, et ils ont été sélectionnés parmi un champ de possibilités extrêmement large.Alex Woods et l'univers, c'est une histoire de coup de foudre - depuis qu'il a reçu une météorite sur la tête. Après ça, cloîtré pendant un moment à cause de ses très fréquentes crises d'épilepsie, il se passionne pour l'univers, les planètes, les corps célestes, mais aussi pour la lecture en général. Lorsqu'il entre au collège, c'est un monde bien plus terrifiant et chaotique qui s'ouvre à lui. N'ayant comme entourage proche que sa mère cartomancienne qui tient une boutique ésotérique, la rencontre avec le vétéran M. Peterson devient vite une belle amitié, fondée sur les livres elle aussi. Et bientôt, cet homme va étrangement et grandement bouleverser sa vie.
Cela dit, je ne lisais pas uniquement des ouvrages traitant du cerveau et des météores. J'ai également lu Alice au pays des merveilles et De l'autre côté du miroir. (J'avais découvert dans mon livre sur l'épilepsie que Lewis Carroll souffrait lui aussi d'épilepsie du lobe temporal, ce qui expliquait en grande partie son étrange imagination.) Après Lewis Carroll, je me suis attaqué à d'autres romans fantastiques, pour la plupart prêtés par Sam. J'ai lu deux fois Le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux et À la croisée des mondes - deux fois parce que je les avais tellement aimés que, juste après les avoir terminés, j'avais aussitôt eu envie de retourner au premier chapitre.Jeune adolescent différent et handicapé donc impopulaire dans un monde qui exclut les personnes hors des normes, Alex Woods nous rappelle avec un grand désespoir les années collège - hautement traumatisantes pour beaucoup d'entre nous. Intelligent, sensible, il devient très très vite un personnage super attachant. L'épilepsie du garçon est un sujet central, et j'apprécie de voir que ce n'est pas traité de façon dramatique - en plus son neurologue est vraiment un type bien. Un autre thème très largement abordé est la mort, et notamment le suicide assisté. Pas très drôle non plus, donc, mais pas abordé non plus de façon dramatique.
Les mois suivants, j'ai appris à contrôler de mieux en mieux mon épilepsie. Le docteur Enderby m'a montré plusieurs exercices visant à stopper les crises dès l'apparition des premiers signes - c'est-à-dire dès que je percevais mon aura. Ces exercices se basaient tous sur le fait de savoir rester calme, vigilant et concentré. J'observais ma respiration. Je comptais jusqu'à cinquante. Je nommais une à une chaque planète et chaque lune principale, depuis le Soleil jusqu'à la ceinture de Kuiper. J'énumérais ensuite tous les personnages des Simpson dont j'étais capable de me souvenir. Je restais calme, concentré, chassant de mon esprit les pensées et les sentiments non désirés. C'était une expérience vraiment étrange J'ai expliqué au docteur Enderby que ça ressemblait un peu à un entraînement de Jedi, ce à quoi il a acquiescé.Le roman rend aussi un grand hommage à l'écrivain Kurt Vonnegut, et l'on en apprendra beaucoup sur ses romans, dont un que j'avais particulièrement aimé : Le petit-déjeuner du champion. Alex Woods fonde d'ailleurs avec M. Peterson un club de lecture entièrement consacré à cet auteur, qui sera surtout vecteur de rassemblement pour ce petit groupe de personnes.
À l'instar de la plupart des romans de Kurt Vonnegut, l'intrigue avait tendance à partir un peu dans tous les sens. Je me disais qu'on aurait pu découper le livre en plusieurs morceaux et les réassembler au hasard sans pour autant réellement bouleverser l'histoire. Cela tenait au fait que chaque page - presque chaque paragraphe - formait une unité étrangement brillante et indépendante.J'ai beaucoup aimé lire ce livre, qui traite de sujets lourds, non pas de façon légère, mais comme des composantes de la vie. Le roman est bien équilibré, à la fois bienveillant et dur, qui traite surtout de personnages atypiques qui tentent de survivre dans un monde aux règles complexes. J'ai apprécié également que le personnage présente quelques traits autistiques, sans qu'il soit décrit comme tel et en tout cas qu'il ne soit pas un génie ou un être mystérieux, simplement un adolescent passionné, clairement en difficulté sociale mais qui finit par trouver de chouettes personnes avec qui échanger.
Ce que j'aimais particulièrement avec Le Breakfast du champion, c'était qu'à la différence de la plupart des livres il considérait que le lecteur ne savait pas grand-chose - aussi bien sur les êtres humains que sur leurs us et coutumes ou la planète sur laquelle ils vivaient. Le roman était écrit comme s'il s'adressait à quelque extraterrestre issu d'une galaxie lointaine, et par conséquent, il expliquait absolument tout, depuis les pois jusqu'aux castors - avec des détails assez excentriques, et à grand renfort de dessins et de schémas. Et plus je le lisais, plus je me rendais compte que ces choses n'étaient finalement pas si évidentes. Elles étaient même franchement bizarres.
Bonus : extraits 1, 2, 3
par Mrs.Krobb
Alex Woods face à l'univers de Gavin Extence
Littérature anglaise (traduction par Nicolas Thiberbille)
10/18, janvier 2017
8,40 euros
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