lundi 14 janvier 2019

"NANOfictions" - Patrick Baud

Ray Bradbury conseillait la chose suivante : « Écrivez une histoire courte chaque semaine. Il n'est pas possible d'écrire 52 mauvaises histoires courtes d'affilée. »
À ceux et celles qui n'ont jamais le temps de lire (mais qui aiment ça un peu quand même), voici le livre parfait (à offrir, se faire offrir, emprunter à la personne à qui on l'a offert, etc.) puisqu'il se compose de nouvelles extrêmement courtes. À la base publiées sur Twitter, ces mini-histoires ne dépassent donc jamais 280 caractères (restriction du site oblige) - mais elles n'en manquent pas, de caractère.
Lorsque les ordinateurs de bureau devinrent conscients, on demanda aux utilisateurs de ne jamais les éteindre.
- Mais la nuit, il a un économiseur d'écran très bizarre qui m'empêche de dormir, se plaignit une cliente.
- Oh, ce n'est pas un économiseur, lui répondit-on. Il rêve.
Ces NANOfictions n'ont pas de thème précis et s'accordent à tout âge de lecture, bien qu'elles regorgent parfois de quelque subtilité (il n'y en a qu'une que je n'ai pas compris). Humour, absurde, suspense, intrigue, effroi, sarcasme, jeux de mot... Il y en a pour tous les goûts, et les amateur•ice•s de science-fiction ne seront pas en reste : il y a plein de micro-scénarios très bien trouvés.
Ces extraterrestres ne voulaient pas nous effrayer. Ils étudièrent les films qui les mettaient en scène pour agir d'une façon qui semblerait familière aux humaines. Ainsi, en arrivant sur Terre, ils commencèrent par faire voler tous les vélos, puis firent sauter la Maison-Blanche. 
J'adore particulièrement celles qui remettent les humains bien à leur place et qui sont hyper centrées sur les intelligences artificielles et ordinateurs. Voire celles sur les extraterrestres. Ou les divinités. Il y a un certain cynisme envers l'humanité, et pourtant, les nouvelles arrivent quand même à être pour la plupart bienveillantes et positives.
Ce jeune dieu avait reçu un monde en kit, avec une longue notice. Quand il eut fini, après quelques milliards d'années, il réalisa qu'il avait monté une pièce à l'envers. « Tout a l'air de fonctionner, ça ne doit pas être bien grave », pensa-t-il. Les humains apparurent peu après.
On peut donc dire que Patrick Baud a bien réussi son défi, car la très grande majorité des histoires est bien construite et propose des rebondissements dignes de plus grands récits. J'en ai trouvé certaines mignonnes à en pleurer et d'autres assez effroyables, beaucoup m'ont fait rire, et j'ai été convaincue.
De lui, les gens disaient, moqueurs, que c'était le plus optimiste du secteur. Un jour, on annonça dans les médias, sans ambages, qu'une comète fonçait droit sur son village. Les habitants s'enfuirent, paniqués, mais pas lui  il posa un trampoline au sol, et attendit. 


Les illustrations de Yohan Sacré qui viennent ponctuer l'ouvrage sont également sublimes, au trait fin et noir, simples mais travaillées, presque tout droit sorties d'un livre pour enfant, faisant presque concurrence à Gorey, en moins lugubre (ceci est un maxi-compliment).
Dans cette école, on apprenait à désapprendre. Chaque cours servait à remettre en question ce qu'on pensait savoir sur le monde, la vie, les relations humaines, le fonctionnement de la société. À la fin de l'année, un diplôme était remis à ceux qui n'avaient plus de certitudes.
Voilà, en dire plus serait superflu. Je félicite l'imagination et la capacité d'écrire si bien en si peu d'espace, et je ne peux que vous inviter à suivre le compte Twitter et à lire les autres ouvrages de Patrick Baud et Yohan Sacré (pas Werber, lui je sais pas ce qu'il fout là).
L'humanité avait besoin d'un guide. Désœuvrée, elle se tourna vers son ordinateur le plus puissant. La machine fut nourrie aux sagesses de toutes les cultures et de toutes les époques. Après plusieurs mois, une synthèse en ressortir. Elle tenait en deux mots : « Soyez. Gentils. »

par Mrs.Krobb

NANOfictions de Patrick Baud (illustré par Yohan Sacré)
Littérature française
Flammarion, octobre 2018
13 euros

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