lundi 19 novembre 2018

"Nexus" - Ramez Naam

Transhumain - nom
1. Être humain dont les capacités ont été améliorées jusqu'à excéder les maxima normaux dans un ou plusieurs registres importants. Étape incrémentielle de l'évolution humaine.
Posthumain - nom
2. Être altéré par des moyens technologiques de façon si radicale qu'il a dépassé le stade transhumain et ne peut plus être considéré comme humain.
3. Tout membre d'une espèce succédant à l'espèce humaine, qu'elle soit ou non issue de celle-ci.
4. Le prochain saut majeur de l'évolution humaine.
- Oxford English Dictionary, édition 2036
Nous sommes au début des années 2040 et une sorte de drogue nanotechnologique nommée Nexus, vient, dans sa 5ème version, de connaître un bon en avant énorme. Se connectant aux neurones de l'individu, elle lui permet de très nombreuses possibilités pour en faire un super-humain. Nexus permet également à ses usagers d'être reliés entre eux de façon très intime, comme une hyper-communion intense qui permet d'expérimenter l'autre. Évidemment, il s'opère une grande division entre les personnes qui entrevoient les infinies possibilités bénéfiques et celles qui tirent la sonnette d'alarme sur les effroyables possibilités nuisibles pour l'humanité.
« On appelle ça le push/pull. Grâce à Nexus, chacun fait bouger le corps de l'autre, en envoyant des impulsions au cortex moteur de celui d'en face. Enfin, en essayant. Ce n'est pas évident pour la plupart des gens. »
C'est un roman tourné avant tout vers la politique, un peu binaire dans la vision des "bons" et des "méchants", mais qui met le doigt là où ça risque de faire mal dans les années à venir avec la problématique posthumaine. D'abord, le roman est entrecoupé de quelques brèves, manifestes et comptes rendus de Cour suprême, qui concernent les positions politiques, légales et étatiques sur ce sujet. Il y a difficilement une place pour la voie du milieu entre qui est pour et qui est contre cette grande avancée technologique qui permet aux humains d'être améliorés, voire plus-qu'humains. Complots, services secrets, attaques de grande envergure, politique gouvernementale et internationale, espionnage... La grosse artillerie est de sortie. Le côté très binaire est accentué par la confrontation entre le gouvernement nord-américain et le gouvernement est-asiatique (chinois et thaïlandais ici).
À 21h44, des sites conspirationnistes hébergés au Mexique annoncèrent que les censeurs américains bloquaient une nouvelle série de termes et de fichiers sur le Web. Des libertaires outrés relayèrent ces annonces, accompagnés de commentaires agressifs.
À 22h30, les démons de la NSA et leurs superviseurs avaient identifié et interrompu plus de quatre-vingt nouvelles tentatives de distributions des fichiers originels, dont chacune utilisait de nouveaux termes pour décrire le contenu et en changeait la longueur ou la compression afin d'en modifier la signature, ce qui n'aurait pas manqué de tromper les censeurs automatiques. On programma les démons pour qu'ils bloquent d'abord et posent des questions ensuite.
La technologie, Ramez Naam la connaît bien. Il fera même un résumé en quelques pages à la fin du livre sur les découvertes scientifiques et techniques qui l'ont inspiré, en général et pour les besoins du roman. Nexus semble plus probable que les voitures volantes pour le moment, et on ne serait pas tant étonné•e•s que d'ici 2040, ce soit déjà bien avancé - mais pas encore si développé que dans le livre. On revient sur un questionnement maintenant déjà bien rabattu : la technologie est-elle l'amie ou l'ennemie de l'humanité ? Ici le raisonnement se fait en noir et blanc, très peu d'entre-deux, probablement pour plonger vraiment dans les avantages et les inconvénients, qui pourraient vraiment soit servir soit détruire l'humanité. Dans tous les cas, que l'on soit du côté humain ou du côté posthumain, il y a une chose qui revient souvent : le côté élitiste, de la "race" supérieure, le besoin de pouvoir et de contrôle, et même une sorte d'eugénisme.
La guerre entre ceux qui acceptent les limites de l' « humanité » et ceux qui célèbrent la puissance du possible est inévitable. Les humains refuseront de nous accepter, de nous tolérer, de nous laisser en paix. Ils nous craindront pour notre grandeur, tout comme Nietzsche avait dit qu'ils craindraient l'Ubermensch. Et parce qu'ils nous craignent, ils chercheront à nous détruire. Ils seront légion. Nous serons peu. Nous triompherons, quel qu'en soit le prix.
- Anonyme, Manifeste posthumain, janvier 2038
Si nous voulons combattre les criminels et les terroristes utilisant des technologies interdites, nous n'avons d'autre choix que de programmer l'amélioration de nos agents. Nous pouvons et devons maintenir la suprématie opérationnelle sur le champ de bataille. En conséquence, nous utiliserons tous les moyens envisageables pour nous assurer que les capacités de nos agents demeureront uniques.
- Déclaration d'intention de l'ERD, novembre 2035
Mis à part l'aspect technologique - fortement mis en avant sans être non plus hyper détaillé ou trop rébarbatif à qui n'est pas habitué.e - l'auteur s'attarde également beaucoup sur l'aspect plus psychologique, spirituel, communicatif - que l'on peut retrouver à petite dose avec certaines autres drogues, mais aussi comme principes de bases de certaines religions. Se basant sur le bouddhisme, Ramez Naam fait de Nexus une sorte de raccourci au cheminement spirituel qui permet de ne faire qu'un avec tout le reste du monde, de ressentir les autres, de fusionner avec son environnement, de vibrer en cadence et d'entrer en transe. Bref, Nexus comme le bouddhisme tourne principalement autour de l'empathie. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les différents courants bouddhistes, mais il me semble effectivement avoir vu pas mal de figures importantes prôner le transhumanisme et le posthumanisme pour différentes raisons.
Il était le soleil. Son rayonnement emplissait l'espace. Ses feux dorés baignaient dans la terre et sustentaient toute vie. Il était le vent qui faisait voler les feuilles et il était aussi ces feuilles. Il était les mers qui roulaient, rugissaient, déferlaient, et il était les poissons qui nageaient dans ces mers, le plancton qu'ils mangeaient, les rayons de soleil qui réchauffaient ces eaux. Il était la terre. Il était les étoiles. Il était toute la Création et il était en cet instant si vivant, et il comprenait son soi à la perfection. L'univers s'éveillait dans cette pièce et donc il s'éveillait partout à la fois.
Nexus est le premier tome d'une trilogie et le premier roman de l'auteur, à la fois un peu hippie, contestataire, dangereux et un poil réactionnaire, effleurant les possibilités technologiques sans trop s'attarder dessus non plus. Bien qu'il y ait certains raccourcis et des scènes clairement pas nécessaires, l'écriture se prête bien à l'adaptation cinématographique (ce qui est déjà envisagé, il semblerait), avec pas mal de scènes d'action et de poudre aux yeux, une esthétique très visuelle plus que littéraire et surtout des sujets-chocs (bien que pas de première main). Les personnages sont vraiment caricaturaux, j'ai eu du mal à m'attacher, mais il y en a aussi qui sont plus complexes, ou tout simplement plus vibrants, quelques retournements de situation qui les rendent moins binaires. Dans l'ensemble j'ai plutôt bien accroché, j'ai trouvé que c'était assez bien équilibré pour atteindre un public relativement large, et je lirai la suite très bientôt.
Après le bioérotique, le bioneural. Inhibiteurs de sommeil. Réducteurs de sommeil. Boosters d'extraversion. Remémorateurs de rêves. Suppresseurs de rêves. Injecteurs de sentiment amoureux. Effaceurs de chagrin d'amour. Thérapie virale pour rapprochement amoureux. Injections de monogamie. Modificateurs d'orientation sexuelle, provisoires ou définitifs. Boosters cognitifs censés plonger l'utilisateur dans une transe hyperproductive ou hypercréative. Une enseigne LED aveuglante proposait des injections virales pour acquérir une oreille musicale. Une autre pour effacer tout sentiment de culpabilité. Une troisième pour intensifier la foi religieuse et les expériences spirituelles.
Bonus : extraits 1, 2, 3, 4, 5

par Mrs.Krobb

Nexus de Ramez Naam
Littérature américaine (traduction par Jean-Daniel Brèque)
Pocket, février 2016
9,40 euros

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