L'histoire en elle-même n'est pas spécialement innovante, si vous avez l'habitude de lire des polars. Elle se déroule à Miami, début des années 80, et se fait encercler par les conflits entre Américains, Cubains, Colombiens et Haïtiens - enfin plus exactement entre les blancs et les noirs. Entre le racisme ambiant et la prolifération de cocaïne importée, la corruption massive des flics et l'omniprésence de la criminalité, les rituels vaudous passent presque inaperçus, en tout cas restent dérisoires et incompris. Jusqu'à l'assassinat d'un gros bonnet de la dope par un homme-zombi, relié lui-même à d'autres affaires obscures.
Ce qui est le plus saisissant, c'est le dégout des policiers pour le travail qu'ils font. Les vrais criminels continuent de courir pendant qu'on fait porter le chapeau à d'autres, juste parce que c'est plus pratique, pour des raisons politiques. Le travail est bâclé là où il devrait être le plus poussé, certains dossiers disparaissent et la moitié des coéquipiers se tirent dans les pattes. Loin est l'illusion de vouloir faire régner la justice, et c'est là que ça blesse, puisque tout devient permis. Vite, tout le monde se rend compte qu'on est toujours sous le joug de quelqu'un, souvent un gros connard, un intouchable, et quelqu'un qui ne devrait pas forcément être votre ennemi. La haine et l'impuissance montent en flèche jusqu'à, finalement, les épuiser totalement (D'où la suite de ce roman : Tonton Clarinette, paru en 2008, qui se passe dix ans après et où les deux flics principaux ont laissé tombé leur carrière désuète).
En dehors de ça, ceux qui ne sont pas déjà initiés à la culture vaudou vont en apprendre pas mal, surtout sur le phénomène zombi, et que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Il y a de bonnes références, des explications claires, une bonne dose de mythe et quelques recettes magiques, mais aussi de quoi charmer les adorateurs de cartomancie. Les personnages haïtiens sont tantôt terrifiants et touchants, emprunts d'une force et d'une rage de vivre, d'une mortelle envie de dominer et de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Malheureusement ici, la lutte ne se fait pas toujours au nom des bonnes intentions.
Bref, même si l'intrigue n'est pas la plus démente possible et si les raccourcis sont un parfois un peu trop faciles, on sent qu'il y a eu des tripes mises en jeu et qu'il s'agit avant tout d'un gros coup de gueule poussé, teinté d'un peu de bouillon de culture. Et ça marche, vraiment.
par Mrs.Krobb
Voodoo land de Nick Stone
Littérature anglaise (traduit par Samuel Todd)
Folio, février 2013
8,60 euros
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