Il commence donc par retracer son propre parcours, en parallèle de l'évolution de la politique française culturelle, sachant qu'à l'époque où il faisait partie du ministère de la culture, celle-ci était l'un des points les plus importants de la démocratie française. Les présidents et ministres étaient avant tout des hommes lettrés, écrivant eux-même, accordant une grande place au patrimoine, à la culture, à son accès, à sa popularisation. Comme le dit l'auteur, avant ils lisaient des romans, maintenant ils lisent des rapports. La France était fière d'être culturelle avant tout, d'ailleurs elle a été longtemps dans l'imaginaire collectif l'un des pays les plus culturels, que ce soit en littérature, en mode ou en gastronomie.
Mais qu'en est-il maintenant ? Jérôme Clément dresse un portrait actuel des différents vecteurs culturels principaux : le livre, la musique, le cinéma, les musées, etc... Le constat est loin d'être dramatique, malgré ce que l'on pourrait penser avec l'arrivée massive d'Internet, et il est dressé avec intelligence, références... et chiffres. Et puisqu'on parle de chiffres, c'est selon lui ce qui a fait chuter la culture de son piédestal. Ramenant toujours les choses à leur aspect économique, la politique a fait de la culture quelque chose dont on pourrait se passer si elle ne rapporte pas. C'est d'ailleurs le budget alloué à la culture par le gouvernement qui déterminera si la culture est dans un état d'urgence ou non, au final.
Lorsqu’il entend le mot culture, écrit-il, le tyran sort son revolver. Le démocrate sort désormais sa calculette, lorsqu’il ne se détourne pas pour bâiller. La France est une nation de culture. C’est ainsi qu’elle a rayonné durant des siècles de par le monde. Nous étions fiers de notre politique culturelle : qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Écrasée par les logiques de l’économie et de la finance, la culture ne doit pas être une variable d’ajustement. Elle n’a jamais été aussi vitale, aussi vivante, aussi cruciale. Elle seule cimente notre sentiment d’appartenance à une communauté humaine, déjoue la violence des replis identitaires, donne un sens à nos valeurs et à notre civilisation. Elle est en danger. Nous devons réagir. Il y a urgence.Et l'auteur ne s'arrête pas simplement à la France, mais élargit son point de vue à l'Europe et au Monde entier. Pointu et critique mais pas trop, il fait surtout l'éloge de ce qui fait la singularité d'un patrimoine culturel, l'éloge de la langue principalement, car elle est le premier intermédiaire. Le livre s'inscrit tout à fait dans l'actualité et offre plusieurs solutions à appliquer pour redorer le blason de ce qui était autrefois affaire de prestige et qui tend à être mis au second plan.
Stefan Zweig, dans les années d'avant-guerre, appelait de ses voeux une histoire culturelle qui montrerait non le mal qu'un peuple fait à un autre, mais ce qu'il lui doit.
« En somme une histoire, non des conflits et des guerres, mais des transferts culturels », ajoute Jacques Le Rider. (...) Déjà, en 1932, Zweig écrivait : « Aussi me semble-t-il important de réaliser l'union culturelle de l'Europe avant son union politique, militaire, et financière. »
par Mrs.Krobb
L'urgence culturelle de Jérôme Clément
Essai français
Grasset, avril 2016
19 euros
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