Une mère et son enfant retrouvés abattus chez eux, le père retrouvé plus loin dans sa voiture, la cervelle explosée. Seul le bébé a été épargné, faute de pouvoir parler. C'est ce qui fait d'abord tiquer Aaron Falk, venu assister à la cérémonie funèbre de son ami d'enfance, lorsqu'il commence à mener son enquête personnelle. Personne ne doute que la sécheresse qui dure depuis deux ans finisse par faire craquer tout le monde, à défaut de les tuer à petit feu. Seulement, ce n'est pas la première fois que le petit village de Kiewerra connaît un meurtre bizarre. Ellie Deacon, leur autre amie d'enfance, a été retrouvée noyée il y a 20 ans de ça. Et Aaron était le meilleur suspect, avant de fuir loin de là.
Aaron se surprenait fréquemment à chercher quelque chose à dire susceptible de provoquer chez Ellie plus qu'un mouvement de sourcils ou un hochement de tête. En de rares occasions, il trouvait un filon, qui faisait esquisser à la jeune fille un pâle sourire.Nous nous retrouvons donc dans le bush australien, aussi sec, chaud et craquelé que possible, dans une ville de fermiers qui ne peuvent plus travailler, qui peinent à survivre et qui sont tous à la fois louches, méfiants, soupçonneux et à bout de nerfs. De quoi se suspecter les uns les autres et d'être soulagés dès qu'un bouc émissaire est désigné. L'unique policier de la ville et Aaron, lui-même policier financier, tentent donc de résoudre deux affaires en même temps, dans un climat lourd et sombre.
Il adorait ces moments-là, et notait mentalement ce qu'il venait de dire, en vue d'une analyse ultérieure. Dans l'espoir de trouver un modèle sur lequel il pourrait bâtir tout un répertoire de plaisanteries si spirituelles qu'Ellie ne pourrait s'empêcher de sourire. Jusqu'à présent, le modèle se révélait aussi aléatoire que décevant.
Tous partageaient le même rêve : respirer l'air pur, connaître ses voisins. Les enfants se régaleraient de bons légumes du potager, apprendraient la valeur d'une honnête journée de travail. Mais à l'arrivée, à peine le camion de déménagement disparaissait-il au loin qu'ils regardaient autour d'eux et restaient bouche bée devant l'étendue des terres à perte de vue. Car c'était d'abord cette immensité écrasante qui frappait le plus. Le fait de ne pas voir âme qui vive entre soi et l'horizon suscitait chez beaucoup une impression étrange et dérangeante.Le livre se lit vite, et l'auteure prend plaisir à mener en bateau autant que possible en dépeignant une poignée de personnages tous aussi coupables à leur façon. Difficile de ne pas suspecter tour à tour chaque nouvelle tête qui se présente, et pourtant l'auteure finit bien par réussir à surprendre. Les éléments sont amenés petit à petit, par des flash back ou des témoignages, des révélations soudaines, et le passé se retrouve emmêlé au présent de façon inexorable. L'accent est surtout mis sur ce qui tue les gens petit à petit : abus, maltraitance, rumeurs, dépendances, ignorance, solitude, isolement, pauvreté, manque de perspective...
Très vite, ils découvraient que les légumes poussaient moins vite que dans les jardinières des villes. Que la moindre petite pousse devait être choyée pour se développer sur une terre réticente, et que les voisins avaient trop à faire pour se montrer accueillants. À la campagne, il n'y avait pas d'heures de pointe, pare-chocs contre pare-chocs, mais il n'y avait pas non plus l'embarras du choix quant aux destinations possibles.
L'arme était mille fois plus dangereuse qu'un flingue.L'écriture n'est pas spectaculaire et l'histoire ne présente rien d'extraordinaire, mais c'est peut-être justement le récit tout à fait ordinaire de la difficulté de vivre en isolement, loin du reste du monde, dans un espèce de huis-clos spacieux mais désolé, qui fait toute la substance de ce livre.
Un briquet...
Il est beaucoup plus facile d'avoir des principes quand il y a de l'argent dans la caisse.
par Mrs.Krobb
Canicule de Jane Harper
Littérature australienne (traduction par Renaud Bombard)
Le Livre de Poche, mai 2018
8,20 euros
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire