« Tu n'es peut-être pas plombier, monsieur le comédien, mais moi, je ne suis pas femme de ménage, je suis enseignante. Et je ne suis pas comptable, non plus. Pourtant, tu vois, c'est moi qui remplis tes formulaires de congés spectacles à la con. Je ne suis pas cuisinière, mais je prends le temps toutes les semaines de faire le marché pour que nous mangions autre chose que des pâtes et du riz. Je ne suis pas thérapeute non plus, et pourtant j'écoute tes états d'âme et je te console à chaque fois que tu rates une audition. »Thomas est quarantenaire, acteur, et stagne complètement à tous les niveaux de sa vie. Un soir, il croise une ancienne collègue de théâtre, Carmen, une belle mexicaine envoûtante, qui lui propose de venir faire une sorte de retraite chamanique à la campagne. Le jour où sa compagne Céline lui annonce qu'elle est enceinte, il y voit le meilleur moment pour fuir... ou se retrouver ? Il passera donc plusieurs semaines entouré principalement de femmes qui devront l'aider à être un homme.
Amitah me dit souvent : « Un homme est un homme, un enfant est un enfant. Vous autres, vous voulez être des hommes quand vous n'êtes que des enfants et, une fois adultes, vous vous comportez comme des gosses avec les femmes. Vous avez besoin qu'elles soient des mères pour vous, vous manquez de maturité. »Outre le fait que je m'intéresse à différentes sortes de spiritualités et aux divers types de "chamanisme", je trouve qu'ici la forme dessert complètement le propos. Commençons donc par le thème principal et voyons où ça pèche. Carmen a grandi dans la spiritualité mexicaine, avec une grand-mère guérisseuse, puis est partie plus tard en Inde, où elle en a retiré quelques enseignements, teintés de bouddhisme, et propose plus tard de partir en Mongolie. Ce qui donne une sorte de gros fourre-tout à toutes les sauces, avec également une partie sur les animaux totem et sur un rite africain de passage à l'âge adulte... Je ne suis pas sûre qu'en terme de chamanisme il soit bon de tout mélanger comme ça et ça donne surtout l'impression que l'auteur a voulu faire un tour d'horizon pour débutant. Admettons que la volonté soit ici de faire une ouverture spirituelle grand public sous forme de roman pour la rendre accessible, mais pour moi c'est déjà raté.
« Cette sensation diffuse qui nous donne l'impression de venir d'ailleurs, de n'être ici que de passage. La nostalgie du divin qui laisse le goût de l'amour et de la plénitude dans notre âme et que nous recherchons dans la banalité de nos gestes quotidiens sans jamais pouvoir les incarner avec autant d'absolu que nous le souhaiterions. Ce sentiment qui nous inonde comme un personnage de théâtre qui prendrait conscience des limites de la scène sans pour autant quitter son rôle. »Parlons donc du roman. Le personnage principal est vraiment difficile à apprécier : lâche, égoïste, infidèle, borné, sans ambition... Son rapport aux femmes est clairement contestable également. Il ne participe en rien à la vie au foyer, délègue tout à sa compagne. S'il sait jouer des rôles, il n'assume pas le sien, d'homme responsable. Malgré le fait que soit dénoncée la faible considération portée aux femmes, les personnages féminins sont tous là pour porter l'homme et ne sont pas vraiment approfondis, on reste complètement dans le stéréotype. Elles sont toutes là pour lui dire qu'il a une belle âme et qu'il ne pourra que s'améliorer s'il prend soin de lui, et d'ailleurs ce sont elles encore qui prennent soin de lui. On assiste donc à du "ouin-ouin" masculin dans toute sa splendeur (ou plutôt dans tout son pathétique), et à une tentative de reconstruction qui ne donne pas grand chose au final. Bref, un air de déjà trop vu que j'ai pas du tout envie de revoir, j'aurais à la limite préféré, et de loin, suivre n'importe quel autre personnage que celui-ci.
Je suis coincé entre un passé dont je n'arrive pas à m'émanciper et un futur vers lequel je n'ose encore m'aventurer. Figé comme un serpent dans un bambou. Ne pouvant reculer, le serpent est condamné à sortir par le haut du bambou, vers la lumière, et pour cela il doit mobiliser toutes ses forces.Par ailleurs, l'écriture du roman est bâclée, sans grand intérêt. Le livre se lit vite mais n'a pas de saveur et rassemble tous les clichés possibles, avec des phrases lâchées souvent au lance-pierre, sans ambition littéraire, avec aucun style pour rattraper le fond. Il n'y a pas non plus tellement d'histoire, et même comme un roman initiatique ça manque de réelle profondeur. Si Arnaud Riou est spécialiste du chamanisme, comme ça a l'air d'être le cas, il n'en donne que des miettes et reste à la surface : c'est plutôt dommage parce que c'est pour ça que je m'y étais intéressée. Je remercie quand même Babelio et les éditions Solar pour la découverte, mais clairement j'en attendais plus.
Bonus : extraits 1, 2, 3
par Mrs.Krobb
Ce soir, la lune était ronde de Arnaud Riou
Littérature française
Solar, octobre 2018
16,90 euros
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