Il était vertébré, mammifère et placentaire. Son ancêtre lointain, là-bas, tout là-bas, plus de cent-millions d'années avant, était un petit animal aux yeux globuleux qui avait appris à distinguer les couleurs de la jungle. À ce qu'on dit. Il était singe. (...)Le premier tome s'achevait sur la tactique des Supérieurs pour gagner du territoire sur la race ancienne, les mangeurs d'argile, pour les parquer malgré eux et sans leur faire savoir comme des singes dans un zoo. Changement de décor pour le deuxième tome, changement de personnages. La Méditerranée est devenu marécage, boue noire, vase, puanteur et désolation. Les territoires sont de plus en plus découpés, déstructurés, entre les zones réservées aux Supérieurs et celles qui sont encore pour quelques temps les camps des Inférieurs. Maintenant les hommes normaux tombent gravement malades, de façon foudroyante, ou bien se font déporter, de façon mystérieuse. Le jour où Hierro Setiembre (chasseur d'humains de son métier) apprend qu'il est touché par la maladie, c'est à son tour d'être la proie. Course-poursuite dans un territoire désolé.
Il devint l'homme, mais les singes continuaient d'être singes. La cassure ne fut pas nette ni la bifurcation évidente. Il y avait le temps.
Il était l'homme intelligent - le temps coula moins vite. D'une pierre il fit une arme, après quoi il façonna la pierre, et ensuite il la fixa au bout de la flèche. Le singe demeurait singe. Il était l'homme intelligent, il inventa la poudre, la machine à laver, l'automobile et les chanteurs de rock, la télématique, le calcul intégral, la brosse à dent électrique, les pays, les frontières, le pouvoir de l'homme sur l'homme et les idéologies rivales, Dieu avec une majuscule, les religions, le pape et les ayatollahs-tradéridéras ; il inventa, il produisit, il construisit, il éleva, il manipula, manigança, décida. Il fit du commerce, du cinéma, la guerre. Il rigola, il eut mal, il pleura ; il se sentit bien dans sa peau d'homme ; il aimait les averses de printemps, les papillons, les pêches melba, le boeuf bourguignon, la paella et les nids d'hirondelles. Il buvait du vin et de la téquila, mâchait de la coca, fumait des cigarettes. Il avait mal, il avait bien.
Avant elle, sa mère avait donné naissance à quatre bébés - deux garçons, une fille, et quelque chose d'indéfini - qui étaient tous morts dans les trois jours suivant leur venue au monde. Alors la mère d'Aynelène avait eu recours aux « services » d'un bois-bonheur. Les bois-bonheurs étaient des solitaires nomades qui se proclamaient génétiquement purs et offraient de féconder toutes celles qui le désiraient, en échange d'une rémunération substantielle.On a beaucoup moins d'explications et de mise en contexte dans ce deuxième tome, là où le premier prenait le temps de présenter vaguement les Supérieurs et la nouvelle société des mangeurs d'argile. L'ambiance est encore plus crue, voire carrément glauque et lugubre (TW : mort, descriptions visuelles de la maladie et des blessures, viol, sang, scato). On a des personnages presque sans histoire, qui ne font que fuir, tomber malade ou mourir (ou imposer ça à d'autres). Pour le coup on est vraiment dans le "pulp", ambiance presque Tarantino, avec des visions apocalyptiques de la Pestilence qui rentre en jeu.
La maladie tuait de plus en plus, prenant la tête de tous les facteurs de mortalité, loin devant les autres. Dans le cas d'une évolution lente - six mois maximum ! - il y avait des guérisons, exceptionnelles, toujours incompréhensibles. Le type foudroyant n'épargnait jamais. D'abord on avait accusé les marais miasmatiques et leur faune bourdonnante. Puis des émanations toxiques nées de la mer de goudron - ou venues d'un territoire supérieur, poussées par le vent. En réalité, on n'y comprenait rien. Personne. Sinon, peut-être, les Supérieurs, qui, s'ils avaient remarqué le phénomène, regardaient peut-être les hommes anciens s'agiter et mourir (tout comme ceux-ci pouvaient regarder des poissons s'agiter et mourir dans une eau empoisonnée).Il manque vraiment d'une histoire et d'une intrigue, parce que ce tome 2 est très linéaire et prévisible. Il y a bien sûr un sursaut, un rebond dans le récit, une nouveauté, une interrogation, qui survient presque à la fin du livre - et malheureusement elle nous glisse entre les doigts. Le suspense demeure encore entier. Et j'ai trouvé le deuxième tome vraiment miné de choses qui me rebutent : violence gratuite, description d'horreurs, sexisme encore plus marqué (plus les agressions sexuelles à plusieurs reprises), combat de coq de gros machos, platitude scénaristique... Ça aurait pu être résumé de façon largement plus courte en fin du premier tome ou en début de troisième, pour laisser de la place aux choses qui semblent vraiment intéressantes dans cette série. Encore une fois, j'ai vraiment envie d'en savoir plus, mais j'aurais du mal à continuer si quelque chose de nouveau ne survient pas directement après et si on continue de s'enfoncer dans ce genre de bourbier dégueulasse où rien ne se passe (que la déchéance humaine).
« Faut que tu saches une chose, articula celui-ci, après avoir laissé tomber un coup d'oeil morne sur la paume écorchée. On est capables de tout, pas vrai ? On n'a pas de morale, pas de règles à respecter, rien de pareil...
- Il y a une règle : ne pas tuer l'autre si sa mort compromet la réussite du projet pour celui qui restera vivant. »
par Mrs.Krobb
Les Hommes sans futur : t.2 - Saison de rouille de Pierre Pelot
Littérature française
French Pulp, février 2019 (original : 1982)
11 euros
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