« J'ai ainsi découvert que vous auriez pu être trois, quatre et même cinq personnes différentes, tous des Grecs dont un fut un individu absolument extraordinaire, un certain Konstantin Koronès. Mais c'est un des plus âgés du lot et il aurait maintenant deux cent trente-quatre ans. Il est pourtant né un jour de Noël, avec un œil bleu et l'autre marron, la jambe droite estropiée, la même implantation de cheveux que vous à vingt-trois ans, la même taille, la même fiche anthropométrique conçue par Bertillon. »La Terre n'est presque plus qu'une destination touristique depuis que la plupart de ses continents ont été détruits par une catastrophe atomique, et Conrad Nomikos, qui s'occupe des vestiges culturels et artistiques, se voit désigné comme le guide de voyage de Cort Myshtigo, un non-humain venu visiter la planète pour un projet mystérieux. Une équipe se forme, avec en tête ce héros aux milles identités, un assassin, des agents pour le retours de terriens sur leur planète, le directeur des services de protection de la nature et son épouse, ainsi qu'un poète. Beaucoup de suspicion, des débuts de complots, des hypothèses sur le travail de recherche de l'étranger... et des aventures à couper le souffle !
« Je me rends compte que vous me détestez.C'est avec ce livre que j'entame la bibliographie de cette grande figure de la SF qui a beaucoup publié à partir des années 60 jusqu'en 1995, à sa mort. On lui connaît deux cycles, trois séries, et bon nombre de romans indépendants (dont celui-ci fait partie), ainsi que des nouvelles. D'ailleurs, Toi l'immortel est une version augmentée d'un récit initialement paru dans un magazine. Et ça se sent un peu à la lecture : de grandes idées, des évènements forts, des personnages à l'histoire très longue, et le tout condensé dans un livre d'un peu plus de 250 pages, qui aurait pu facilement en faire le double, voire le triple. On aurait pu en apprendre plus sur l'étrange destin de la Terre, lors de ces énigmatiques "Trois Jours", en apprendre plus sur la colonisation de l'espace et sur cette race Végane, décrite comme supérieure à celle des humains, en apprendre plus sur la vie du héros et de ceux qui l'ont accompagnés en des âges reculés, en apprendre plus sur les complots qui se trament... Néanmoins, et c'est là qu'on peut comprendre le talent de Zelazny, c'est qu'il a su concentrer ses idées en peu de mots, ni trop ni pas assez, le temps d'un voyage relativement court.
- Moi ? Qu'est-ce qui vous fait croire ça ? Le fait que vous avez insulté un de mes amis, que vous m'avez posé un tas de questions déplacées, que vous m'avez plus ou moins forcé la main pour que j'entre à votre service sur un de vos caprices...?
-... que j'ai exploité vos compatriotes, que j'ai transformé votre Terre en un immense bordel, et que j'ai démontré que la race humaine était le parent pauvre d'une race et d'une culture galactiques plus vieilles de plusieurs millénaires... »
« Les gens ont en général la décence de faire des choses importantes pendant une cinquantaine d'années, puis ils s'arrêtent. Leur élégie est sans problème, et mes dossiers en sont pleins. Mais je crains que la tienne ne puisse être qu'une improvisation de dernière minute avec une dissonance finale. Je n'aime pas ce genre de travail. Je préfère réfléchir pendant de longues années, estimer la valeur d'une vie et composer sans être bousculé. Les gens comme toi, qui sont déjà de véritables personnages de folklore, m'ennuient beaucoup. J'ai l'impression que je vais être obligé de te consacrer un poème épique et je n'en ai plus le temps. Par moments je me sens devenir sénile. »Ce livre, initialement paru en 1966, comporte les défauts des récits de SF écrits par des auteurs masculins de l'époque : peu de personnages féminins en dehors des femmes de... ou des prostituées, des tropes parfois bien colonialistes voire racistes, et l'exploitation des personnes handicapées ou perçues comme différentes... J'avoue que je me serais bien passée de la scène de combat qui se passe vers la fin, de même que globalement tout ce qui l'entoure, mais en dehors de ça, j'ai trouvé que c'était un livre de science-fiction bien construit, qui marie à la fois les temps futurs (colonisation de l'espace, technologies avancées) et temps anciens (mythologie grecque, vestiges, légendes) avec une grande facilité. Et, pour finir, j'ai beaucoup aimé le dénouement du récit, dans les dernières pages. Je remercie les éditions Mnemos et Babelio pour la découverte !
« La Terre se meurt, se meurt, et bientôt sera morte... Rentrez chez vous, la fête est finie. L'heure est tardive, tardive, oh ! combien !... (...) Allez, partez, partez tous maintenant. Désaltérez-vous à la fontaine du silence. Après avoir tenté votre chance au jeu ridicule de la vie, désaltérez-vous à la fontaine du silence. Que cherchaient donc les dieux, dites-moi, que cherchaient-ils ? Rien, tout n'était qu'un jeu. Partez, allez, partez maintenant. L'heure est tardive, oh ! combien ! »Bonus : la fiche Wikipédia, très complète (attention aux spoilers) + extraits 1, 2, 3, 4
par Mrs.Krobb
Toi l'immortel de Roger Zelazny
Littérature américaine (traduction par Mimi Perrin)
Mnemos (coll. Hélios), septembre 2018 (original : 1966)
9,90 euros
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