Pascal Picq, paléoanthropologue et auteur de nombreux livres tentant d'explorer l'humanité, dialogue ici avec une lycéenne africaine pour expliquer ce qu'est le transhumanisme, le définir et le situer dans le temps, en faisant un bref détour par les débuts de notre espèce, et de ce fait, parler d'évolution et de coévolution. Ce livre se veut donc accessible, compréhensible, et possiblement sans parti pris - un point de départ pour comprendre où commence le posthumanisme et quelle direction risque de prendre l'humanité.
En fait, l'espérance de vie entame une lente progression à partir de la moitié du XIXe siècle et n'a pas cessé d'augmenter depuis, avec une forte accélération après la Seconde Guerre mondiale. Tout cela va de pair avec un accroissement des revenus, l'hygiène, la vaccination, l'amélioration de l'éducation, du logement et des conditions de travail, le plein-emploi et l'absence de conflits. Cependant, un vrai saut coévolutif se produit après la Seconde Guerre mondiale avec l'école obligatoire jusqu'à seize ans, puis l'accès massif aux études supérieures, les avancées fulgurantes de la médecine, l'urbanisation, les pratiques sportives, les vacances et les loisirs, qui concourent à des changements biologiques rapides : la taille corporelle augmente de dix à vingt centimètres et l'espérance de vie s'accroît de plus de vingt ans ! C'est certainement la période la plus spectaculaire d'un point de vue coévolutionniste depuis les origines de l'humanité.Premièrement, il s'agit de poser des définitions, afin que même ceux et celles qui n'y entendent rien puissent se faire une idée, d'abord, des différents courants humanistes (libéral, social, évolutionniste et écologique principalement), puis des sous-branches de ces courants (libertarien, utilitarien, totalitaire, utopique, eugéniste, sélectif) et enfin des tendances transhumanistes de chacun. Le transhumanisme, c'est "le mouvement de pensée sur le futur de l'évolution de l'humanité en relation avec les technologies" qui se découpe grosso modo ainsi : humanité augmentée, technoprogressisme et posthumanisme. Le posthumanisme se définit à peu près comme un dépassement de ces humanismes, soit de façon philosophique ou critique en souhaitant un meilleur humanisme et donc une meilleure inclusion de chaque personne qui compose l'humanité, soit de façon technologique pour dépasser complètement l'aspect biologique de l'humain et le mécaniser / le robotiser. Pour aller plus loin dans ces concepts, je vous invite à aller en fin de l'article.
Pour Huxley et ses contemporains, le projet consiste à améliorer par l'éducation, les sciences et la culture, les conditions de vie et, surtout, le devenir de l'humanité après la Seconde Guerre mondiale. Il milite pour un «eugénisme de gauche» radicalement opposé à l'eugénisme raciste des nazis et des autres. Pour lui, la compréhension de la génétique dans le cadre de la biologie évolutionniste doit pleinement s'intégrer dans la réalisation d'une humanité meilleure. Comme il est darwinien, il précise avec vigueur qu'il ne faut pas aller contre les diversités - il est profondément antiraciste -, mais agir contre les variations indésirables. Pour donner un nom à ce projet qui permettrait aux hommes d'avoir une maîtrise sur les aspects aveugles et négatifs de la génétique, il invente le terme transhumanisme en 1957. C'est la mise en œuvre de la responsabilité de l'Homme, chère à Teilhard de Chardin, envers sa propre évolution.L'eugénisme ou "ensemble de recherches biomédicales et de pratiques éthiques, sociales et morales destinées à améliorer le génome humain" est un des points les plus abordés ici. Qu'il soit au sens strict positif (éviter les caractères handicapants), négatif (élimination des caractères jugés indésirables), ou volontaire (éviter les risques), il est bien entendu évident que l'eugénisme est à prendre avec des pincettes - inutile de rappeler ses terribles dérives - et qu'il soulève de nombreuses questions quant à la diversité. De même, il sera beaucoup questions des multiples façons de modifier le corps (et le genre) et l'esprit au cours de la vie et dans les différentes cultures, et des possibilités d'opérer des modifications en rapport avec les nouvelles technologies.
Ce serait génial de garder son âme et de changer de corps au gré de nos envies... C'est la transmutation des âmes, une croyance très ancienne qu'on rencontre dans de nombreuses cultures, même en Occident du temps de Pythagore. Cela suppose que l'âme, la conscience ou l'esprit sont indépendants du corps, ce qui nous ramène au dualisme. Les sciences cognitives démontrent qu'il n'en est pas ainsi. Tout ce qui fait votre personnalité se construit au fil des années avec votre corps, ses activités, ses mouvements et aussi en fonction de ce que vous mangez et de la façon dont vous prenez vos repas, sans oublier toutes vos expériences émotionnelles, affectives, culturelles, traumatisantes, euphoriques, etc.Enfin, il est impossible de parler transhumanisme sans citer la littérature et les films de science fiction, qui ne se sont pas contentés de prédire un futur à l'humanité en lien avec les avancées technologiques ou sociales, mais qui ont aussi fortement influencé le progrès en matière de sciences. Et si ce qui ressort la plupart du temps, outre une forte admiration pour le monde de la robotique, de l'automatisation et des infinies possibilités d'améliorer le monde, c'est aussi - malheureusement - un bon nombre de dystopies, très pessimistes quant à l'avenir et aux dérives du transhumanisme. Un constat aussi bien techniquement positif qu'humainement négatif.
Depuis une trentaine d'années, des films plus ou moins inspirés de cette littérature comme Blade Runner, Terminator, I, Robot, Minority Report, Brazil, La Planète des singes, A.I. Intelligence Artificielle, Bienvenue à Gattaca, Ex Machina, Avatar, Her, Time out, Elysium, L'Étrange histoire de Benjamin Button, Transcendance, Matrix... et j'en oublie, touchent à des sujets investis par les transhumanistes : personnalité des robots, intelligence artificielle, régénération des tissus, rajeunissement, vie illimitée, autres intelligences, contrôle des personnes, classes privilégiées, surveillance des machines, vies extraterrestres, contrôle de la pensée, sélection génétique, cyborgs, logiciels affectifs, sexbots... Tout y est, jusqu'à la disparition de l'humanité pour diverses raisons : virus dévastateurs, machines tueuses, robots et intelligences artificielles hostiles, changement climatique brutal...Puisqu'il s'agit de notre espèce et de notre avenir, je dirai qu'il est assez indispensable de se tenir au courant de ces différents courants et avancées afin de comprendre les enjeux et les aboutissants, que l'on soit pour ou contre, d'un bord ou d'un autre, ou à la fois un peu des deux. Pascal Picq réussit à en faire plus ou moins le tour, du moins en terme de principes et d'ouvertures de portes, bien qu'il ne rentre pas particulièrement dans les détails, et cela fait de son livre un ouvrage abordable et relativement complet, qui permet un rapide tour d'horizon. Je remercie Babelio et les éditions Allary pour la découverte de cet ouvrage et pour leur confiance.
En fait, ce monde qui est le nôtre ne les intéresse plus. Ils revendiquent un autre monde à construire.Bonus : définitions des différents courants humanistes et posthumanistes + extraits 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
par Mrs.Krobb
Le nouvel âge de l'humanité : les défis du transhumanisme expliqués à une lycéenne de Pascal Picq
Essai français
Allary éditions, mai 2018
22,90 euros
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