mercredi 24 juin 2020

"Rosewater : Rédemption" - Tade Thompson

* * * Attention, il s'agit du dernier tome d'une trilogie : vous pouvez aller voir le 1er tome et le 2ème tome d'abord * * *
En 2068, comme les guérisons se produisent maintenant en permanence à Rosewater, et pas seulement une fois par an, il est presque impossible de tuer quelqu'un dans les limites de la ville. Les quatre membres de mon équipe tirent sur cet homme depuis quinze minutes, rechargent, lui logent des balles dans le cerveau afin que sa personnalité soit complètement détruite lors de sa régénération et que les extraterrestres ne puissent pas utiliser son corps.
Pour clôturer le cycle Rosewater, nous retrouvons un personnage un peu perdu de vue dans le deuxième tome : Oyin Da, aka Bicycle Girl. Elle est une des voix principale de ce dernier tome, et on va en apprendre beaucoup sur elle et le Lijad. Parallèlement, Koriko, la nouvelle représentante d'Armoise, l'entité extra-terrestre qui se terre à Rosewater, a complètement repris en main son environnement : exit le dôme, les guérisons sont maintenant instantanées, et un pacte avec le maire lui permet de sélectionner des morts pour y transférer les Originiens. Et, globalement, c'est : toujours la merde (entre clans, avec le Nigeria, avec les extraterrestres, du côté des fanatiques des extraterrestres et de leurs détracteurs...)
« Monsieur, je pense que nous devons ajouter une clause à notre accord avec les Originiens.
- Quel genre de clause ?
- Un transfert définitif. S'ils peuvent revenir dans un nouveau corps après leur mort, les synners n'en tireront aucune leçon. La mort doit être la mort, sinon Rosewater, le Nigeria et le monde entier ne seront pour eux qu'un jeu vidéo dans lequel ils pourront réapparaître à l'infini tandis que les humains ne seront plus que des personnages secondaires. »
Un des points les plus forts de ce tome, comme ça avait commencé à être le cas dans le précédent, est la question de l'humanité, de la dignité, des personnes gravement handicapées (voire des cadavres...). Il est beaucoup question des réanimés et de l'évolution de leur état physique/psychologique dans le temps, de procès pour interdire aux Originiens de s'accaparer des corps de personnes encore vivantes, pour finir par tenter d'arrêter les Originiens d'éradiquer l'humanité pour s'installer sur Terre.
Le premier effort du gouvernement nigérian pour ficher tous les citoyens grâce à des implants d'identification entraîna un véritable désastre : les membres du groupe pilote furent empoisonnés par des puces toxiques, contenant des métaux lourds, qui les rendirent fous avant de les tuer. Pas tous, bien sûr, mais environ soixante-dix pour cent (...). Maintenant, le [programme d'identification] est bien rodé ; dès sa naissance, chaque citoyen reçoit un implant. À l'âge de dix ans et de dix-neuf ans, la puce est repositionnée.
La question de l'humanité s'étend un peu plus loin que ça, avec la traçage des gens, les guerres très sanglantes, les robots-presque-humains, mais surtout... avec le nouveau discours du maire, qui s'inscrit assez peu dans la trilogie mais qui fait toujours plaisir : « Son intention est de soutenir les droits de chacun, quels que soient son sexe ou ses préférences sexuelles, déclarées ou non. En particulier, nous allons abolir l'interdiction du mariage et de l'adoption pour les couples du même sexe, ainsi que les lois réprimant l'homosexualité, le travestisme, le traitement de la fertilité et d'autres comportements ou situations que je ne vais pas détailler maintenant. Un fichier d'information concernant la nouvelle législation sera transmis sur vos implants d'ici une minute. Permettez-moi de dire que l'homophobie n'est pas une conception africaine. Dans notre panthéon, le sexe des dieux est ambigu et cela n'a jamais posé de problème. Retrouvons notre tradition de tolérance. » Et je rajoute encore, sous ce thème, la question de l'esprit des personnes coincé dans la xénosphère, si celle-ci devait être détruite, ainsi que la création d'un cerveau artificiel (pourrait-il développer une conscience ?).
« Elle n'a jamais été humaine comme toi et moi. C'est une idée incarnée, qui sait bien mieux que nous comment survivre dans cet univers. Ce dernier n'est pas réel, mais nos esprits en font un fac-similé du monde vivant que nous avons connu sur la Terre et nous suivons les mêmes règles que celles que nous connaissions, bien qu'elles ne soient pas nécessaires. Nous le savons, d'un point de vue intellectuel, mais nos esprits continuent de réprimer ce qui ne correspond pas à notre conception ontologique. »
J'aimerais en dire plus sans trop spoiler, mais ça devient compliqué. Il y a encore quelques retours dans le temps (et l'espace), avec l'arrivée d'Armoise, et même avant ça : les Originiens, et puis la naissance du Lijad, et même un tout petit aperçu du futur de Rosewater. Personnellement, je trouve que la trilogie va au-delà de la simple rencontre humains-extraterrestres, outre les enjeux politiques déjà présents, on retrouve clairement une forme de domination déjà présente à l'intérieur de l'humanité (et Tade Thompson y fait souvent référence au long des trois livres). Il s'agit d'extraterrestres comme il aurait pu s'agir de colons blancs, qui utilisent les indigènes, les rabaissent, les exploitent, les contrôlent. Parlant de contrôle, la question du flicage par les nouvelles technologies, et même la dépendance à celles-ci, est un autre des points centraux du livre. J'ai beaucoup apprécié la notion de xénosphère, qui apporte une réelle dimension en plus à l'histoire. De même que j'ai aimé voir autant de personnages féminins principaux, qui s'affirment de plus en plus, et encore plus dans ce troisième tome.
« Chaque esprit originien est encodé sur un serveur. Les systèmes qui maintiennent l'intégrité des données reçoivent un signal, puis associent cet esprit à quelques milliards de xénocytes. Lorsque c'est fait, le transfert s'effectue dans ce que vous appelez la xénosphère. Les xénocytes prioritaires de la sphère se trouvent dans l'espace central. L'intermédiaire escorte l'individu réincarné de cet espace psychique jusque dans le corps physique. Et ce dernier se réveille. Ici même. »
Bonus : extraits 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7

par Mrs.Krobb

Rosewater, t.3 : Rédemption de Tade Thompson
Littérature anglaise (traduction par Henry-Luc Planchat)
Nouveau Millénaires, mars 2020
21 euros

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